Les instruments de mesure du temps
Les instruments de
mesure du temps - Partie I
Découpage de cette étude
Le mieux, bien sûr eut été de dérouler cette étude
chronologiquement au fur et à mesure de l'apparition ou de l'évolution d'un instrument.
L'inconvénient de cette méthode est que les vies des différents instruments
s'entrecroisent et qu'après avoir découvert un instrument puis un autre, il
nous faudrait revenir au premier parce qu'il a subi une modification majeure.
Nous allons donc découper notre étude, classiquement, par grands
types d'instruments qui feront chacun l'objet d'une page particulière.
1 : Instruments d'avant l'écriture.
2 : Instruments d'observation des
ombres.
3 : Instruments d'observation des astres.
4 : Instruments avec écoulement ou
combustion.
5 : horloges et instruments
modernes.
.
LES INSTRUMENTS PRÉHISTORIQUES
1) L'os d'Ishango
Dans les années
Le village d'Ishango
est situé non loin du lac Edouard, au bord de
Cet os, de moins de
En y regardant de près, et même de très près, on peut regrouper
les entailles de la façon suivante :
|
groupe 1 |
groupe 2 |
groupe 3 |
groupe 4 |
groupe 5 |
D |
|
9 |
19 |
21 |
11 |
G |
|
19 |
17 |
13 |
11 |
M |
7 |
5 et 5 |
10 |
4 et 8 |
3 et 6 |
Chronologiquement, il existe trois interprétations de ces séries :
1) la première est celle de Jean de Heinzelin
lui-même qui y voit une "calculette préhistorique".
2) La deuxième, qui nous concerne, est celle d'Alexander Marshack, chargé de recherche au Peao
Museum of Archaelogy.
Selon lui, l'os d'Ishango est un
calendrier lunaire. Il fonde ses conclusions sur l'observation au microscope
des encoches et sur leur dénombrement.
L'observation microscopique révèle que les entailles n'ont pas la même
inclinaison ni la même profondeur. Les plus petites sembleraient correspondre à
des jours de nouvelle lune.
Le dénombrement, lui, révèle que la somme du nombre de
La troisième colonne, M, totalise 78 entailles soit un mois lunaire et demi.
Que faut-il en penser ? Je vous laisse vous faire votre propre
opinion, mais, pour ma part, j'ai de gros doutes. Je doute qu'an l'an -
20 000 le microscope soit très répandu. Je doute aussi qu'on puisse faire
de cet os et de ses marques un instrument de mesure puisque rien ne permet de
poser une marque sur une encoche pour savoir quel jour on est et se repérer
ainsi dans le temps. Alors, simple calendrier rustique ? autre chose ?
3) La troisième est celle de V.Plester,
chercheur à l'Agence Spatiale Européenne qui y voit la prédominance de certains
nombres (6,12) en Afrique.
Bref, on ne sait pas trop encore ce que veulent signifier ces
encoches sur l'os d'Ishango. Mais la théorie
"instrument de mesure du temps" semble avoir fait long feu. Il
fallait quand même en parler.
2) L'os de l'abri Blanchard
On va retrouver A.Marshack et son
microscope plus tard (1965) en train d'examiner un autre os datant cette fois
d'environ 32 000 ans av. J.-C. Cet os provient de l'abri Blanchard en Dordogne
(France).
Non loin des grottes de Lascaux, l'abri Blanchard est proche du
village de Seageac le long de la Vézère
L'observation à œil nu révèle un certain nombre de marques creusées
en une sorte de spirale
En haut, l'os de l'abri Blanchard recto-verso.
A droite, la partie recto et l'agrandissement des marques fait par
Alexander Marshack (dessin d'A.M)
L'ensemble des marques de la partie recto correspondrait à une
période lunaire de 2 mois 1/2.
Marshack note que "... un homme exécutant
une composition ornementale de
L'os fait aussi apparaître 63 marques sur la tranche et 40 au
verso. L'ensemble des marques de l'os couvrirait une période de 6 mois
lunaires.
L'os de l'abri Blanchard est-il un instrument de mesure du temps
préhistorique ? Le problème est le même que pour l'os d'Ishago
: comment "marquer" le moment où nous sommes ? A chacun de se faire
son opinion. Là aussi, il fallait en parler.
2) Les mégalithes : Stonehenge
Le site mégalithique de Stonehenge se situe près de Amesbury, dans le Comté de Wiltshire en Angleterre.
De quand date le site de Stonehenge ? Difficile de répondre parce
que, en fait, s'il a été construit pendant le néolithique, cette construction
s'est déroulée en trois phrases successives de 2900 av. J.-C environ à 1600 av.
J.-C. environ.
Pour nous permettre de suivre ces constructions successives,
voyons un peu à quoi ressemble le site à l'aide d'une vue générale.
Détaillons maintenant les trois phases principales (il y a des sous-phases) telles que les archéologues s'accordent à les
décrire.
PHASE 1 : (environ 2 900 av. J.-C)
Sur un cercle d'un diamètre de
Un troisième cercle, plus à l'intérieur, se caractérise par 56
trous (on peut en apercevoir quelques-uns à gauche et en bas de l'image
principale. C'est le cercle dit d'Aubrey en
mémoire d'un archéologue. Ces trous contenaient des poteaux de bois.
PHASE 2 : (environ 2 900 à 2 400 av. J.-C)
Les trous d'Aubrey sont remplis d'os, de
restes crématoires ou de restes crématoires.
D'autres trous servent à dresser des constructions en bois.
Une avenue de
Certains archéologues situent ces derniers événements (avenue et Hell Stone) beaucoup plus tard (fin de la troisième phase).
PHASE 3: (environ 2 400 à 1 600 av. J.-C)
Etape a
Le cercle de Sarsen et des trilithes sont mis en place.
Les trilithes, comme on peut le voir en
cartouche de l'image ci-contre sont composés d'un linteau posé sur deux
supports. Elles étaient disposées en cinq paires distinctes.
Le cercle de Sarlen a
Etape b
Des pierres bleues sont rajoutées. Un ovale de ces mêmes pierres
vient fermer le fer à cheval interne. Un cercle de pierres bleues est rajouté
entre ce fer à cheval et le cercle de Sarsen.
Deux derniers cercles sont rajoutés à l'extérieur du cercle de Sarsen pour installer d'autres pierres. Ce sont les trous Y
et Z.
Etape c
L'ovale central est démantelé et le fer à cheval central retrouve
son état d'origine.
Les trous Y et Z ne recevront jamais les pierres prévues.
On peut voir en cartouche de l'image ci-contre une reconstitution
de ce que devait être la partie centrale du site.
Qu'est ce qu'un tel site peut avoir à voir avec nos instruments de
mesure du temps ?
Au début des années 1970, un ingénieur écossais, Alexandre Thom
et son fils Archibald examinent de nombreux sites
mégalithiques en les considérant comme un tout et non pas comme des
constructions individuelles. Ils trouvent que de nombreux édifices sont alignés
vers le lever ou le coucher du soleil aux solstices ou aux équinoxes et en
concluent qu'il existe un lien entre les sites mégalithiques et l'astronomie.
Thèse contestée par d'autres chercheurs comme Clive Ruggles.
Accordons le bénéfice du doute aux Thom père et fils.
Beaucoup plus tôt, au XVIII ème siècle,
un certain William Stukeley avait remarqué que
l'avenue, le fer à cheval central et la pierre de Heel
étaient alignés sur le lever du soleil au solstice
d'été. L'idée d'un instrument astronomique de mesure du temps vient de germer.
Ils sont nombreux à avoir confirmé l'option astronomie.
Parmi eux, et qui nous concernent particulièrement, l'astronome Gerald
Hawkins et l'astrophysicien Fred Hoyle (1915-2001)
.
Passons sur toutes les orientations astronomiques repérées et
venons-en à notre propos.
Les trous d'Aubrey permettent de se
positionner dans l'année : il suffit de placer un marqueur dans le trou qui se
trouve dans l'axe de l'avenue. On le déplace ensuite de deux trous tous les 13
jours dans le sens inverse des aiguilles d'une montre et, lorsque que le
marqueur retrouvera sa position initiale, l'année sera écoulée.
Retrouver le mois lunaire ? Rien de plus simple. Le jour de la
première pleine lune après le solstice d'été (repérable par d'autres moyens
prévus) , placer un autre marqueur à 28 trous du
marqueur solaire (dans le sens anti-horlogique) et le
déplacer de deux trous tous les 2 jours. Le marqueur fera un tour complet en 28
jours soit, approximativement, une lunaison.
On peut ainsi multiplier les exemples à l'infini pour des
observations plus astronomiques. Je vous en donne un pour le plaisir. Les
quatre "pierres-stations" marquées 91, 92,
93, 94 sur la dernière image (phase 3c) forment un rectangle parfait. Les
directions indiquées par les côtés correspondent aux directions des levers et
couchers les plus extrêmes du soleil et de
Les lignes que l'on peut tracer entre les trous
91, 92, 93, 94 pointent sur des événements astronomiques remarquables.
Alors ? Stonehenge, instrument de mesure du temps ?
Je me garderai bien de répondre à
Un fait est certain : si Stonehenge est ce que certains disent qu'il est, il
est aussi le seul des "objets" de cette page à posséder la
caractéristique d'un vrai instrument de mesure qui est de se repérer dans le
temps grâce à des "marqueurs".
Pour le reste, mon sentiment est que, grâce aux connaissances astronomiques que
nous possédons actuellement, si j'enlève les piquets d'un pré rectangulaire et
si je trace des lignes virtuelles entre les trous laissés, en combinant les
trous j'arriverai bien à "pointer" peu ou prou sur un événement
astronomique remarquable.
Mais, pour avoir toutes les cartes en
main, il fallait bien en parler.
Les
instruments de mesure du temps - Partie II
Découpage de cette
étude
1
: Instruments d'avant l'écriture.
2 : Instruments d'observation des
ombres.
3 : Instruments d'observation des astres.
4 : Instruments avec écoulement ou
combustion.
5 : horloges et instruments
modernes.
LES INSTRUMENTS D'OBSERVATION DES OMBRES
Inutile, je pense, de
vous dire que cette page sera essentiellement consacrée aux cadrans solaires
dans l'acception la plus large de ces termes sans perdre de vue que notre but
est de suivre l'évolution des instruments de mesure du temps. Il n'est ni de
faire l'inventaire des cadrans solaires dans le monde ni de savoir comment on
les construit.
Nous ferons quand même
une petite entorse au titre de cette page en y incluant les instruments basés
sur l'observation d'un point lumineux ou d'une tache lumineuse.
Dernière précision avant
de poursuivre notre étude : si vous avez oublié vos notions d'astronomie, je
vous conseille d'aller vous rafraîchir les idées ici. C'est fait ? Alors, c'est
parti pour un voyage au royaume des ombres.
LES CADRANS SOLAIRES
Quand le bâton devient
gnomon
Plantons un bâton
verticalement dans le sable d'une plage plane. Je dis plage parce que
c'est plus facile à faire mais si vous voulez planter ce bâton dans la dalle en
béton de votre terrasse, je n'y vois aucun inconvénient.
Maintenant, observons
l'ombre de ce bâton produite par le soleil sur le sable et marquons l'extrémité
de cette ombre à différentes heures de
Pendant que nous en
sommes là, terminons en une fois pour toute avec la définition du gnomon :
- Gnomon (lat. Gnomon, du
grec) sm. : Espèce de grand style dont les astronomes
se servent pour connaître la hauteur du soleil. L'aiguille ou style du cadran
solaire. Littré
- Gnomon (1547, mot latin
du grec) : Ancien instrument astronomique composée d'une tige verticale (style)
faisant ombre sur une surface plane.Le
Petit Robert
GNOMON. s. m. Terme
d'Astronomie. Espèce de grand style dont les Astronomes se servent pour
connaître la hauteur du Soleil, principalement au Solstice. Les Gnomons des
Anciens étaient des espèces d'obélisques surmontés d'une boule.
On appelle aussi Gnomon, Le style d'un cadran solaire. Dictionnaire de
l'Académie française, 5 ème édition 1798
GNOMON. n. m. T.
d'Astronomie. Tout instrument qui marque les heures par la direction de l'ombre
qu'un corps solide porte sur un plan ou sur une surface courbe. Dictionnaire
de l'Académie française, 8ème édition (édition actuelle)
J'ajoute que gnomon
vient du grec et signifie indicateur.
Bref, le gnomon est
parfois le "bâton", parfois "l'instrument ". Quel
instrument ? faisons simple et disons qu'il est
composé d'un faiseur d'ombre et d'un récepteur d'ombre.
La tendance actuelle est
de nommer gnomon un style (faiseur d'ombre) droit et style
un gnomon incliné. A moins que le gnomon soit un style incliné !! Pour
notre part, nous appellerons simplement style l'objet qui produit l'ombre.
Quelle différence entre
un gnomon (au sens de "instrument") et un cadran solaire ? Souvenons
nous de cette vieille devinette éculée, "quelle est la différence entre le
tennis et le ping pong
?". Au tennis, on joue sur la table !! Le gnomon instrument est au cadran
solaire ce que le tennis est au tennis de table. D'ailleurs on appelle table le
"récepteur d'ombre" en gnomonique (art de construire des
cadrans solaires) ou chez les cadranistes
(constructeurs de cadrans solaires).
Bon. Mine de rien, j'ai
casé toutes mes définitions (ou presque) et nous pouvons en venir aux choses
sérieuses.
Retournons à notre bâton
et observons bien, sur une journée, son ombre portée sur le sable. Nous
constatons que cette ombre varie aussi bien en position qu'en longueur. Lorsque
l'ombre est la plus courte, il est midi et le soleil indique le sud dans
l'hémisphère nord (ne dit-on pas qu'on descend dans le midi ?).
Sur plusieurs années, on
peut constater qu'une ou deux fois par an l'ombre de la pointe du gnomon dessine une ligne droite durant une même journée. L'ombre au
lever et l'ombre à midi forment un angle de 90 degrés. Idem pour le soir ou le
soleil se couche exactement à l'ouest. Ce sont les jours de l'équinoxe.
Il suffit de repérer sur
le sable ou ailleurs ces moments privilégiés pour avoir marqué les équinoxes,
midi, le sud, l'est et l'ouest.
Considérons comme plat
l'endroit où nous sommes avec notre bâton. En nous tournant sur nous-même, nous
parcourons visuellement un cercle qui correspond à l'horizon et le ciel
ressemble à une demi-sphère. Représentons un peu
cette situation dans un dessin.
Nous sommes au centre O
du cercle constitué par l'horizon.
A la verticale du bâton
se situe un point Z qui est le zénith. À l'opposé N se situe le
nadir.
Le demi plan passant par
Sur ce même plan
horizontal, nous avons déterminé un point R en direction du sud.
On appelle azimut
de S l'arc RS' (angle S'OR) et hauteur l'arc SS' (angle SOS')
Comme nous l'avons vu
plus haut, azimut et hauteur varient tous deux en permanence en dépendant de la
latitude du lieu, de la déclinaison du soleil (date) et de l'heure.
Si, pour un lieu donné,
nous tenons compte de la position de l'ombre entière pour mesurer le temps,
nous allons construire un gnomon azimutal.
Si, on contraire, nous
tenons compte de la longueur de l'ombre en marquant sa pointe, nous allons
construire un gnomon de hauteur.
De tels gnomons existent
au moins depuis 2 000 ans avant notre ère. Mais ils sont certainement plus
anciens surtout si on ne tient pas compte de la distinction entre instrument de
mesure et instrument d'observation.
Il aurait existé en Inde,
dès le IV ème siècle av. J.-C. des tables d'ombres
basées sur le principe du gnomon de hauteur où le style était l'individu
lui-même. Il suffisait de mesurer l'ombre d'un individu et, à l'aide de la
table, de connaître l'heure. Le premier cadran portatif !
Gnomon et obélisques
Nous venons de voir que l'observation de l'ombre portée d'un simple
bâton suffit à commencer à se repérer dans le temps. Avant d'aborder les
problèmes posés par le style vertical, posons nous clairement cette question
qui nous trotte dans la tête : puisqu'un objet vertical peut nous servir à
construire un "cadran solaire", les obélisques égyptiens
n'étaient-ils pas les styles de cadrans solaires ?
C'est très peu probable
pour différentes raisons :
- Aucune marque trouvée
de repères sur le sol
- Hauteur immense (10 à
- Section carrée qui donne des ombres à mouvements saccadés.
- Section inégale tout au long de la hauteur (arêtes inclinées).
Avec de tels
instruments, on peut tout au plus repérer les solstices et les équinoxes avec
plus ou moins de bonheur. Ce serait faire insulte à l'intelligence des
Égyptiens de l'époque que de penser qu'ils n'auraient pas utilisé d'autres
moyens plus fiables s'ils en avaient connu le principe.
Ceci dit, au moins un
des obélisques égyptiens a été construit en cadran solaire. Fut-il utilisé
comme tel ? Il le fut à Rome, dans la partie septentrionale du Champ de Mars,
provenant d' Héliopolis, amené en 10 av. J.-C. sur ordre d'Auguste et érigé au
V ème s. av. J.-C.
l'Horologium Augusti
reconstitution
(Photo D. Lauvernier)
Aujourd'
hui
l'Horologium sur
(Photo
Polos et scaphé
Comme nous l'avons vu
plus haut, l'azimut et la hauteur dépendent de trois variables qui sont la
latitude du lieu, la déclinaison et l'heure. Pour un cadran d'azimut, sauf à
midi, l'ombre de notre style vertical ne sera jamais dans la même direction.
Pas question donc de diviser notre cadran en parties égales fixes pour mesurer les
heures.
Si, avec un style droit,
l'ombre du bâton est toujours au même endroit à midi
(image du haut) , il n'en est pas de même pour les
autres heures du jour (image du bas)
Pour un cadran de
hauteur, la pointe de l'ombre ne sera jamais au même endroit. Pas question donc
de tracer une ligne et d'y marquer les heures.
Le scaphé
va nous aider à régler ce problème. Il daterait de près de 3 000 ans mais comme
les premiers instruments connus avec certitude datent de 600 ans av. J.-C. en
Grèce, nous retiendrons plus modestement cette date. Nous ne parlerons pas de
leur ancêtre le Polos qui, bien qu'ayant certainement existé, ne nous est pas
parvenu.
Le principe du scaphé est aussi simple que remarquable : représenter la demi-sphère céleste que nous voyons sur notre plage de
sable dans une demi-sphère creusée (scaphé signifie barque) dans un bloc de pierre et
représenter le soleil par l'ombre portée d'un boule placée en son centre.
Après, il ne reste plus qu'à tracer quelques lignes pour nous permettre de
mesurer le temps.
Il y eu deux sortes de scaphé : le scaphé grec où la demi-sphère est entière et le scaphé
romain qui ne comporte qu'une partie de
En haut : Scaphé grec. Au centre : principe du scaphé
grec. En bas : Scaphé romain
Du fond du scaphé grec s'élève un style droit en direction du zénith
du lieu. Il est souvent terminé par une boule. A l'intérieur de la sphère, côté
nord, les grecs gravaient trois lignes parallèles représentant les deux
solstices (2 lignes) et les deux équinoxes (1 ligne). Puis les heures étaient
matérialisées par 11 lignes plus les deux bords du scaphé
qui vont découper la demi-sphère en 12 tranches.
Comme, bien entendu,
l'ombre de la boule évoluera forcement entre les deux lignes extrêmes
représentées par les deux solstices, on comprend pourquoi les romains se sont
contentés d'une demi-sphère tronquée à la limite de
ces deux lignes. Autre changement caractéristique du Scaphé
romain : le style est horizontal au dessus de la ligne de midi ce qui permet
d'utiliser toute son ombre comme indicateur.
Le scaphé,
instruments de mesure du temps ? On peut répondre OUI à la question même s'il
n'indique pas l'heure avec précision. Il permet à tout le moins de se
positionner dans l'année (saisons) et la partie du jour.
Notons aussi l'invention
par les Grecs Eudoxe de Cnide et Apollonios
de l'Arachné, un cadran d'azimut dont les courbes horaires dessinées sur
la table rappellent une toile d'araignée, d'où son nom. Cette découverte
remonterait aux environs de 400 av. J.-C.
Un tournant décisif : le
style polaire
Reprenons notre bâton du
début mais, cette fois, au lieu de le planter verticalement, faisons le pointer
vers l'étoile polaire. Il est donc parallèle à l'axe de la terre ou ligne des
pôles. Que se passe-t-il avec l'ombre portée ?
Avec un style polaire,
l'ombre du bâton est toujours au même endroit à midi (image du haut) , comme aux autres heures du jour (image du bas)
Cette fois, l'ombre de
notre bâton, si elle toujours variable en longueur, est toujours à la même
position quel que soit le jour de l'année.
Pourquoi ?
Parce que, cette fois,
nous sommes dans un système de coordonnées horaires.
L'équateur céleste est tout simplement le plan de l'équateur terrestre prolongé
par le pensée.
La perpendiculaire en O
à ce plan constitue la ligne des pôles PP'. Le plan formé par cette
ligne et
Le demi-plan PSP' qui passe par la ligne des pôles et S est appelé
cercle horaire de S. Il coupe l'équateur en S'
L'arc ES' (ou
angle EOS') est l'angle horaire de S
L'arc SS' (ou angle SOS') est la déclinaison de S
Le cadran à style
solaire mesure l'angle horaire qui ne dépend pas de la date.
Nous n'allons pas voir
par le détail tous les types de cadrans à style vertical possibles. Cette
partie de la gnomonique sort du cadre de notre étude.
Il suffit que nous
sortions de chez nous pour nous rendre dans les villes et villages
proches et ce serait bien une malchance si nous ne découvrions pas, sur
la façade d'une maison ancienne ou d'une église un cadran à style polaire. Ce sont, en effet, les plus nombreux. Attention quand même à
ne pas les confondre avec des cadrans canoniaux (voir plus loin).
De quand datent les
premiers cadrans à style polaire ?
Difficile de répondre
avec précision. Le polos était-il un scaphé à style polaire comme son nom semble l'indiquer ?
Certains le pensent mais nous n'en avons aucune certitude.
A défaut, nous allons
faire remonter le style polaire à 300 av. J.-C. qui correspond à l'âge d'un
cadran grec à style polaire découvert en 1975 en Afghanistan. Cette date
correspondrait avec celle des expéditions d'Alexandre le Grand.
On ne les voit
apparaître que beaucoup plus tard en Europe puisque le plus ancien date
seulement de 1477. Il se trouve sur un cloître à Alpirsbach
en Forêt noire.
Le plus ancien connu en
France est celui de la cathédrale de Strasbourg et daterait de 1493.
réplique du cadran solaire d'Alpirsbach.
cadran à style polaire de la cathédrale de Strasbourg.
L'avant-bras gauche du personnage reposant sur le dessus de la table du cadran
tient (tenait) le style dans sa main.
Les plus
"purs" des cadrans solaires à style polaire sont le cadran horizontal
et le cadran vertical méridional (appelé encore "plein sud")
Sans entrer dans le
détail, sachons que :
- le cadran horizontal
se caractérise, comme son nom l'indique, par une table horizontale. Son style,
parallèle à l'axe des pôles, est positionné sur la ligne de midi. Les lignes
horaires de gauche sont symétriques de celles de droite. Pour notre hémisphère,
les heures du matin sont à droite et celles de l'après-midi à gauche. Il peut
donner l'heure du lever au coucher du soleil.
- le cadran vertical se
caractérise, comme son nom l'indique, par une table verticale placée face au
sud. Son style, parallèle à l'axe des pôles, est positionné sur la ligne de
midi. Cette dernière est toujours verticale. Pour notre hémisphère, les heures
du matin sont à gauche et celles de l'après-midi à droite. Il ne peut indiquer
l'heure que de 6h à 18h.
Comme tous les murs ne
sont pas forcement plein sud, on va voir apparaître de nombreuses variantes
pour "rattraper" cette position du mur par rapport au plein sud :
- Cadran déclinant vers
le sud-est ou le sud-ouest
- Cadran septentrional ou "plein nord"
- Cadran déclinant nord-est, nord-ouest
- et d'autres : pour en savoir plus je vous invite à vous rendre sur l'excellent
site de Philippe LANGLET qui, vous le constaterez en lisant son "je me
présente", sait de quoi il parle. C'est ici.
Et d'autres suivirent
L'histoire des cadrans
solaires ne se termine pas avec le style polaire puisqu'elle se poursuit encore
aujourd'hui. D'autres types suivirent que nous n'étudieront
pas parce qu'entre-temps d'autres instruments arrivèrent.
Avec le cadran solaire à
style polaire, nous tenons un véritable instrument de mesure du temps dont la
précision n'est limitée que par le compromis qu'il faut faire avec une lecture
aisée. Rien n'empêcherait, sinon, de graver les minutes.
Trop précis, notre
cadran à style polaire ? Peut-être, puisqu'il existe une différence entre le
temps vrai local qu'il donne et le temps moyen que nous recherchons dans
Avant d'en terminer avec
cette page par l'étude des taches, nous allons, pour le plaisir, étudier
un cadran marqueur d'événements, le cadran canonial. Puis nous essayerons de
dresser une chronologie de l'apparition des différents instruments que nous
avons étudiés.
Un marqueur d'événements
: la cadran canonial
Ce cadran remonterait
aux Égyptiens vers 300 av. J.-C. En Chine, ce serait vers 1 100 av. J.-C.
Autant le dire tout de suite,
c'est un cadran à style droit. Mais alors, allez-vous dire, pourquoi en parler
? D'abord, comme je l'ai dit, pour le fun. Ensuite, parce qu'il a rythmé la vie
de certains de nos ancêtres pendant près de 1 500 ans.
Son rôle est
essentiellement de marquer les moments des prières au cours de
Inutile de dire que ces
"moments" de prière, du fait du style droit, étaient décalés dans la
journée mais peu importe. Comme a dit quelqu'un dans d'autres occasions
"l'essentiel est de participer"...
Pourquoi canonial ? Tout
simplement parce que, au IX ème siècle, l'office
divin était fixé à 8 moments d'oraison et composé de prières définies par des
canons (des règles).
Elles sont d'abord
fixées au nombre de cinq par Benoît de Nursie
vers 530 : Matines (lever du soleil), Tierce (milieu de la matinée), Sexte
(midi), None (milieu de l'après-midi), Vêpres (coucher du soleil).
Ensuite, elles passent à
huit : Matines, Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres, Complies.
Et maintenant, observons
quelques cadrans canoniaux.
Cadran canonial gravé sur un mur sud de l'église de Notre-Dame-de-Porporières à Mérindol-les-Oliviers
dans
Sa taille est de
Il aurait été sculpté entre 1225 et 1235.
On peut distinguer sur le cadran canonial
lui-même sept lignes horaires.
Copie (à gauche) et original (à droite) de l'Adolescent au cadran
de la cathédrale de Strasbourg.
Cadran canonial de localisation inconnue.
Les heures des prières sont marquées d'un tiret
Chronologie de
l'apparition des instruments de mesure
LES INSTRUMENTS
D'OBSERVATION DES TACHES
Le scaphé
à œilleton
On peut voir au musée du
Louvre un scaphé d'une conception différente de celle
que nous avons vues plus haut. Il s'agit du scaphé
romain, d'un diamètre de
Sa différence avec les
autres scaphés est qu'il ne comporte pas de style. Celui-çi est remplacé par un œilleton par lequel pénètrent
les rayons du soleil qui créent une tache claire au fond de l'instrument. A
l'origine, la taille de cette tache était certainement réduite par une plaque
de bronze trouée.
Sur la photo de gauche,
on peut voir le scaphé presque en position "de
travail". Sur sa partie supérieure, on peut distinguer en partie le trou
par lequel pénètre la lumière.
Sur la photo centrale, on voit l'intérieur du scaphé
qui, pour être dans sa vraie position doit reposer sur la partie plane qu'on
voit en bas. Le trou qu'on voit sur cette partie devait certainement servir à
fixer une tige de soutien verticale. En haut, l'orifice par laquelle pénètre la
lumière et, en bas sur la gauche, la tache de lumière projetée par le soleil à
travers cette orifice. Au fond, on distingue les traditionnelles lignes
horaires et les cercles représentant les différentes déclinaisons du soleil.
Cette partie est agrandie sur la photo de droite pour mieux apercevoir les
tracés.
L'anneau astronomique
Nous allons terminer
cette étude sur les instruments de mesure du temps version cadrans solaires par
celui que, pour ma part, je considère comme le plus séduisant à bien d'un titre
: pureté des formes, longue histoire, qualité de fabrication et gravure,
matériaux employés (cuivre, laiton, argent, or) et enfin par sa représentation
parfaite de ce que nous avons vu plus haut, les coordonnées horaires.
Cet instrument, c'est
l'anneau astronomique, devenu plus tard anneau équinoxial.
Son histoire commence
avec le plus grand astronome de l'Antiquité, Hipparque de Nicée (ou Hipparque
de Rhodes, premier quart du II ème siècle-après 127 avant J.-C.).
Vers 150 av. J.-C. il
invente la sphère armillaire, instrument qui ressemble à celui que nous voyons
ci-dessus à gauche. Mais la sienne atteint deux à trois mètres de diamètre.
Elle est composée d'un assemblage de cinq anneaux (les armilles). Les deux
premiers : l’écliptique et le méridien contenant les solstices (colure),
se coupent à angle droit. Deux cercles mobiles autour de l’axe perpendiculaire
au centre de l’écliptique sont reliés au colure (l’un à l’extérieur, l’autre à
l’intérieur). Ces quatre anneaux portent la graduation babylonienne, introduite
en Grèce par Hipparque : 360 degrés, chacun d’eux étant subdivisé, compte
tenu du système sexagésimal mésopotamien, en 60H de 60J. Un cinquième anneau,
enfin, portant deux pinnules (voir image de droite) aux extrémités de son
diamètre, s’inscrit dans le cercle intérieur au colure et pivote dans son plan.
Un cadre soutient l’ensemble du montage qui tourne sur deux chevilles
latérales, celles-ci perçant l’anneau du colure aux pôles célestes. Le système
permet de mesurer les coordonnées écliptiques des astres : longitudes
célestes des astres, obtenues par le déplacement des anneaux reliés au
colure ; latitudes, par visées au moyen de l’anneau-alidade.
C'est plus un instrument d'observation qu'un instrument de mesure du temps mais
le ver est dans le fruit.
Il y reste jusqu'au XV ème siècle où un autre astronome, Allemand cette fois, Johannes
Müller, dit Regiomontanus (1436-1476) décrit en 1471 une sphère
armillaire équatoriale (annulus sphaericus) composée de trois anneaux. Un dernier
astronome, le Hollandais Gemma Frisius
(1508-1555), en 1534, publie son Usus annuli astronomici qui fixe les normes de fabrication de
l'anneau astronomique.
D'abord à trois anneaux
(représentant de l'extérieur vers l'intérieur : méridien, équateur,
déclinaison) les anneaux astronomiques vont, pour des facilités de conception,
devenir anneaux équinoxiaux avec deux anneaux (méridien, équateur) et règle
graduée (axe du monde).
L'anneau du haut, conçu par Paul d’Albert de Luynes et fabriqué
par Jacques-Nicolas Baradelle
pour son Éminence Monseigneur le Cardinal de Luynes, Archevêque de Sens vers
1760-1774 est une petite merveille du genre.
On ne manque pas de remarquer la similitude entre la photo et le
dessin en ce qui concerne les armilles (anneaux) et les cercles.
Celui du bas, Anneau équinoxial, ne comporte que deux anneaux,
l'anneau des déclinaisons ayant été remplacé par une règle graduée.
On peut voir, au centre de la règle un curseur mobile comportant, au centre,
une ouverture par laquelle pénètre la lumière du soleil.
Le fonctionnement de ces
anneaux est, théoriquement simple. L'instrument est suspendu verticalement par
un crochet ou un anneau (bélière) après que la latitude du lieu ait été réglée
en faisant glisser l'anneau extérieur gravé en degrés dans la bélière.
L'anneau intérieur est
positionné parallèlement à l'équateur (voir figure de droite). Cet anneau
comporte des graduations horaires.
La règle centrale
comporte des graduations correspondant aux jours des mois. Elle doit être
orientée Nord Sud. On distingue d'ailleurs sur la photo du bas les lettres N et
S.
Il suffit maintenant
tourner l'instrument sur lui-même de façon à ce que la lumière du soleil
pénètre par l'orifice du curseur et vienne frapper le cercle équatorial sur
lequel on peut lire l'heure.... sauf midi parce qu'à ce moment la lumière du
soleil frappera la partie externe de l'anneau équatorial qui l'empêchera de
pénétrer par le trou du curseur. On verra donc tout simplement l'ombre de
l'anneau sur l'œilleton du curseur.
Comme maintenir
l'instrument dans la bonne position était délicat, des anneaux sur piétement
furent conçus.
CLIN D'ŒIL : DE LA CHINE À LA LUNE
On
trouve le gnomon aussi bien en Chine dès
2 600 av. J.-C.
que sur la lune lors de
|
Les
instruments de mesure du temps - Partie III
Découpage de cette
étude
1
: Instruments d'avant l'écriture.
2 : Instruments d'observation des
ombres.
3 : Instruments d'observation des astres.
4 : Instruments avec écoulement ou
combustion.
5 : horloges et instruments
modernes.
LES INSTRUMENTS D'OBSERVATION DES ASTRES
LE NORTURLABE
Nous avons vu, sur la
page précédente, qu'on peut mesurer le temps, et plus particulièrement les
moments de la journée, avec des cadrans solaires ou assimilés. Voilà donc le problème
de la journée réglé. Mais, comment mesurer les heures la nuit en observant les
astres ?
Bien entendu, le soleil
s'est couché et la lune ne va pas pouvoir nous servir puisqu'il lui arrive
régulièrement de ne plus être visible (nouvelle lune) ou seulement
partiellement. Son éclat est donc souvent tel qu'il lui est difficile de
projeter des ombres.
Que nous reste-t-il dans
le ciel, la nuit, à part les étoiles ? Le problème est que si, du fait des
mouvements de le terre, elles donnent l'impression de
se déplacer, ce n'est pas autour de
Du fait des mouvements
de la Terre, les étoiles donnent l'impression de tourner autour d'un point
fixe.
Ce point fixe est
l'étoile polaire. Chaque étoile effectue un tour complet autour de l'étoile
polaire en 24 heures.
Un point fixe et un
mouvement régulier d'étoiles. Voilà qu'il n'en a pas fallu plus pour imaginer
et construire un instrument de mesure qui garde encore pas mal de mystères : le
nocturlabe.
nocturlabe en bois (environ
1700).
Mystérieux parce que, si
on sait qu'il a traversé tout le Moyen Âge, on est loin de connaître l'époque
exacte de sa naissance (début du IX ème siècle ?) et
encore moins le nom de son inventeur.
Mystérieux aussi parce
qu'on est loin d'avoir percé toutes les subtilités de son utilisation.
Il se compose de deux ou
trois plaques circulaires. La plus grande comporte une poignée qui permet de le
tenir verticalement. On peut y lire les gravures du nom des mois et,
quelquefois, les signes du zodiaque. La plus petite compte 24 dents qui
correspondent aux heures. L'une de ces dents est plus grande et correspond à
minuit.
On plaçait la temps de minuit face au jour du mois de l'observation,
et, en tenant l'instrument à bout de bras, on visait l'étoile polaire au
travers du trou central. Il suffisait alors de déplacer l'alidade (le grand
"manche" qui dépasse sur les photos) jusqu'à ce qu'elle semble venir
toucher une étoile prise comme référence. Il suffisait alors de lire l'heure
sur la plaque centrale à l'endroit où s'était positionnée l'alidade.
Quelle était l'étoile de
référence ? C'était bien entendu une étoile qui est visible tout au long de la
nuit et de l'année. Proche de l'étoile polaire compte-tenu
de la longueur limitée de l'adidade. Partant de là,
certains disent que c'est une étoile de
Quelle était l'étoile de référence sur laquelle était positionné
l'alidade ?
Une étoile de
Ce serait la seconde hypothèse que serait la bonne si on en croit une dessin d'Apianus (1539)
montrant l'utilisation de l'instrument.
Rien n'empêche de penser que cette référence peut changer selon
les nocturlabes.
Notons pour en terminer
avec le nocturlabe que l'heure mesurée était l'heure
sidérale (voir page astronomie)
plus courte que l'heure solaire moyenne.
L'ASTROLABE
Le deuxième instrument
de visée que nous allons maintenant étudier est beaucoup plus connu que le nocturlabe de part le succès qu'il a eu en Grèce et,
surtout, dans les pays musulmans.
Ses possibilités sont
telles qu'on peut l'utiliser aussi bien dans la mesure du temps diurne que
nocturne. Il est donc capable de remplir les fonctions de cadran solaire et de nocturlabe. Fut-il réellement utilisé comme instrument de
mesure instantané des heures, c'est une autre histoire.
Et puisque nous parlons
d'histoire, nous allons essayer de le suivre de son origine à sa disparition
prévisible du fait de l'arrivée d'autres instruments.
Mais, avant cette
histoire, donnons-nous le temps de jeter un coup d'œil rapide sur cet
instrument pour voir à quoi il peut ressembler.
Astrolabe français du XV ème siècle.
(partie recto à gauche, partie verso à droite)
16 cm de diamètre.
(Chicago - Musée astronomique Adler).
Fabriqué par Jean Fusoris (1365-1436)
d'abord constructeur d'instruments scientifiques puis Chanoine de Reims en 1404
et de Paris en 1411. Auteur de plusieurs traités sur l'instrument.
Petite histoire de
l'astrolabe
Comme nous le verrons
quand nous examinerons de près l'instrument, son principe est fondé sur la
projection stéréographique.
Encore une fois donc (voir
page précédente) , nous allons évoquer le nom d'Hipparque
(seconde moitié du II ème siècle av. J.-C.) puisque
c'est à lui qu'on doit ce principe. En revanche, malgré ce qu'on peut lire ici
ou là, il n'a pas inventé l'astrolabe.
Il faut attendre Claude Ptolémée
(II ème siècle apr. J.-C.) pour voir naître un
instrument horoscopique (astralobon organon),
voisin lointain de l'astrolabe quant à son principe mais sans rapport avec
l'astrolabe planisphérique.
Le mot astrolabe vient
du grec astrolabos qui signifie preneur
d'étoiles. Qui a inventé ce mot ? Mystère ? Le plus ancien traité
concernant l'astrolabe est dû à Jean Philopon (entre 475 et 480-apr.
565), grammairien et philosophe chrétien , né à
Alexandrie (Égypte).
De Grèce, il va être
transmis aux pays musulmans au VIII ème siècle où il
va faire un "tabac", certainement grâce à ses possibilités de pouvoir
déterminer les heures inégales et donc les heures des prières et, avec quelques
modifications, donner la direction de
Il va parvenir en Europe
occidentale via l'Espagne grâce à un certain Gerbert qui, un peu avant
999, va écrire un Livre de l'astrolabe à partir de traductions de
traités arabes (où l'astrolabe porte le nom de walzagora
ou planisphère de Ptolémée) venus d'Espagne. Notons au passage que ce Gerbert
deviendra Pape en 999 sous le nom de Sylvestre II.
En Orient comme en
Occident, c'est aux XVI ème et XVII ème siècles que l'astrolabe va atteindre ses sommets de
perfection et d'utilisation. Un astrolabe universel (nous verrons plus loin que
l'astrolabe "classique" ne l'est pas) voit le jour au XVI ème siècle construit par Gemma Frisius
(1508-1555) mais décrit beaucoup plus tôt par al-Zarqalluh
de Tolède au XI ème siècle. Après un passage par
l'horloge astrolabique, il va décliner au XVIII ème siècle en Occident avec une précision suffisante des
horloges mécaniques. En revanche, il va prospérer encore dans les pays
musulmans presque jusqu'au XX ème siècle, à la
Mosquée de Fez pour ne citer qu'elle.
Description de
l'astrolabe
Encore une fois, mille
excuses à ceux qui penseraient trouver sur cette page un guide de construction
de l'instrument. Notre but n'est pas là mais de vérifier qu'il s'agit bien d'un
instrument de mesure du temps. Sa description, succincte, n'a pas d'autre objet
que de comprendre son fonctionnement dans le cadre de notre étude.
Comme nous allons
l'utiliser à deux reprises, voyons un peu ce qu'est la projection
stéréographique.
Sur l'image de gauche,
imaginons une sphère coupée en son équateur par un plan P. Par projection
stéréographique le point A sur la sphère a pour image le point a à l'intersection entre
On peut voir sur l'image
de droite représentant une coupe transversale de notre sphère au niveau des
pôles N et S et perpendiculaire à
l'équateur. On y remarque que chaque point du cercle (disons le méridien) peut
avoir une projection stéréographique sauf le point S. Bien entendu,
j'emploie les mots pôles, méridien, équateur au hasard et sans
arrière-pensée.... quoique...
Facile, la projection
stéréographique, non ? C'est toujours facile quand d'autres l'ont inventée et
qu'on ne parle pas de la mesure des angles.
La projection
stéréographique a le double avantage de conserver les angles (deux courbes qui
ont un angle sur S ont le même angle sur P) et de faire qu'un cercle sur S a pour image un cercle
sur P.
Eclaté de l'astrolabe
- A défaut de
connaissance de l'écrou, un axe et une cheville qui vont
maintenir l'ensemble de l'instrument fermé.
L'alidade,
système de visée souvent munie de deux pinnules.
- La mère (umm dans les astrolabes arabes), partie creusée dont
le bord constitue le limbe et la partie creuse qui peut recevoir
plusieurs Tympans. L'instrument est suspendu par un anneau (Trône de
Dieu ou kursi en arabe).
- Différents tympans
amovibles.
- L'araignée (ankabut en arabe)
- Une règle-Index (Ostensor),
pas forcement présente sur tous les astrolabes
Les présentations étant
faites, regardons de plus près de quoi sont constituées les différentes pièces
avant voir comment était utilisé l'instrument dans la mesure du temps.
La mère
A tout seigneur tout
honneur. La mère peut être considérée comme le socle de l'instrument. C'est une
plaque de métal ou de bois d'une dizaine de centimètres ou plus, légèrement
creusée pour recevoir différents tympans qui devront être intervertis par
l'observateur en fonction du lieu où il se trouve. Nous y reviendrons. Bien
entendu, un seul tympan (le bon) sera utilisé. Selon les astrolabes (occidental
ou arabe), la bordure de la mère (limbe) est gravée en degrés et/ou en heures.
Ces heures sont au nombre de 24. Du haut en bas sur la partie droite pour les
heures de l'après-midi et de haut en bas sur la partie droite pour les heures
du matin.
L'instrument étant
destiné à être utilisé verticalement pour les mesures de hauteur des astres
(étoiles ou soleil), il est muni d'un anneau (trône) permettant de le suspendre.
Partie verso : cette
partie servait de mémento et pouvait rappeler certaines conversions multiples
(carré des ombres pour l'arpentage, heures légales, heures illégales...). En
effet, nous nous en tenons à la mesure du temps mais un auteur arabe a recensé
1 761 problèmes pouvant être résolus avec l'instrument. Quoi qu'il en soit, la
partie verso comprenait sur sa partie externe au moins deux échelles
obligatoires et indispensables : une gravure en degrés permettant de déterminer
la hauteur d'un astre à l'aide de l'alidade d'une part et un calendrier
zodiacal qui donne chaque jour de l'année la position du Soleil dans le
zodiaque.
L'alidade
Orientée vers un astre,
l'alidade permet de viser une étoile en regardant au travers de ses deux
pinnules. En ce qui concerne le Soleil, son orientation permet de faire passer
la lumière au travers des deux pinnules (une seule position possible).
Le Tympan
Il n'est pas autre chose
qu'un quadrillage du ciel qui va nous permettre de positionner un astre en
fonction de sa position exacte dans le ciel et, partant de là, en ce qui nous
concerne, de déterminer l'heure exacte.
Quels sont les éléments
de ce quadrillage ?
A) D'abord, une
projection stéréographique de la Terre en marquant ses cercles de lattitude traditionnels : tropique du cancer, équateur,
tropique du capricorne.
A-1) Sphère terrestre :
lignes des latitudes
A-2) Sphère terrestre :
ligne des heures inégales
Toutes les lignes n'ont
pas été dessinées. Elles sont au nombre de 11 et divisent donc cette partie du
tympan en 12 secteurs. Les lignes marquent des heures inégales dans la mesure
où elle divisent la partie claire de la journée en 12
heures qui n'ont pas la même longueur au cours de l'année.
B) Ensuite, une
projection stéréographique de la sphère locale (voir partie 2 de cette étude) telle que
la voit un observateur placé à une latitude particulière. Cette projection
variant justement en fonction de la latitude nous savons maintenant pourquoi il
faut changer de tympan quand on se déplace le long d'un méridien. Les tympans
portent une gravure de la latitude pour laquelle ils sont conçus.
B-1) Sphère locale :
lignes de hauteur ou almucantarats :
Tous ces almucantarats sont gravés en degrés. Il y a une ligne tous
les 2, 3 ou 5 degrés. Les almucantarats étant situés
en haut de l'astrolabe tenu verticalement, on remarquera que les points
cardinaux sont inversés : sud en haut, nord en bas, est à gauche et ouest à
droite. Tous les almucantarats sont des cercles comme
le prévoit la projection stéréographique mais certains sont tronqués du fait
des dimensions limitées du tympan.
B-2) Sphère locale :
lignes d'égal azimut
Récapitulons tous ces tracés
sur un même dessin de la mère et du tympan.
Comme on peut le voir en
bas, ce tympan a été calculé pour une latitude de 48°50'. Je vous laisse
deviner à quelle ville elle correspond. En rouge apparaissent les données
locales alors que les autres sont en bleu. Ici, le limbe est gradué en heures.
L'Araignée
Voyons de près à quoi
elle ressemble
Deux types d'araignées.
L'araignée est mobile par rapport à la mère et au tympan en
tournant autour de l'axe central.
L'araignée, elle aussi,
représente deux projections stéréographiques. Eh oui, encore.
1) D'abord une
projection stéréographique de la voûte céleste avec la position d'étoiles
connues. Comme les matériaux transparents n'étaient pas connus à l'époque de la
fabrication des astrolables il fallut trouver une
autre solution. Cette solution c'est cette grille de métal ajourée où chaque
pointe correspond à la position d'un astre. Comme cette position varie au cours
de l'année, l'araignée peut tourner autour de l'axe central pour positionner
les étoiles correctement sur leurs coordonnées données par le tympan.
2) Ensuite une
projection stéréographique de l'écliptique (trajet du soleil). C'est ce cercle excentré
par rapport à l'axe central et qui est gravé des positions du Soleil dans le
zodiaque.
On trouve en haut de
l'araignée un picot qui dépasse (voir photos) et qui pointe sur le limbe la
position du point vernal (endroit sur l'écliptique où se trouve le Soleil le
jour de l'équinoxe de printemps).
Astrolabe et mesure du
temps
Nous avons vu que l'astrolable peut être utilisé dans de multiples
circonstances. En ce qui nous concerne, regardons rapidement comment il peut
mesure le temps, en l'occurrence les heures.
Nous avons vu dans
Prenons un exemple :
Nous voulons connaître l'heure d'un jour précis à un moment précis.
Nous allons, à l'aide de
l'alidade trouver la hauteur du Soleil à ce moment précis. Nous connaissons le
jour soit grâce à une table de conversion date-zodiaque
soit directement. Repérons ce jour sur le cercle écliptique de l'araignée et,
en la tournant, positionnons ce repère sur l'almucantarat
correspondant à la hauteur du Soleil trouvée dans la première étape. Alignons
maintenant l'ostensoir sur le jour et lisons l'heure directement sur le limbe.
Facile, non ?
Sans ostensoir
(astrolabes arabes) , il fallait passer par une étape
intermédiaire qui était une mesure à partir de l'index de l'araignée.
Quant aux heures de
nuit, le principe était le même en utilisant une étoile connue sur l'araignée
de l'astrolable au lieu du Soleil.
Alors, astrolabe
mesureur de temps ? Certainement. Et même plus... arpenteur, boussole,
indicateur de l'heure des prières, indicateur de direction de La Mecque et bien
d'autres. Mais c'est une autre histoire.
|
Les
instruments de mesure du temps - Partie IV
Découpage de cette
étude
1
: Instruments d'avant l'écriture.
2 : Instruments d'observation des
ombres.
3 : Instruments d'observation des astres.
4 : Instruments avec écoulement ou
combustion.
5 : horloges et instruments
modernes.
LES INSTRUMENTS AVEC ÉCOULEMENT
Après
avoir beaucoup regardé le ciel dans les pages précédentes, nous allons, dans celle-ci
et la suivante, nous intéresser plus particulièrement aux ressources
terrestres.
CLEPSYDRES ET HORLOGES
A EAU
Avant d'examiner
l'évolution des clepsydres puis des horloges à eau dans le temps, il convient
de nous poser quelques questions préliminaires et d'ordre général :
Quelle est l'étymologie
du nom
? Il vient de deux termes grecs "Kleptein"
qui signifie voler et de" Udor"
qui signifie eau. La clepsydre est donc un "voleur d'eau". Le
principe des premières clepsydres consistant à faire couler de l'eau au travers
d'un petit orifice d'un récipient dans un autre, on peut supposer que le
récipient qui reçoit l'eau la vole au premier. Notons au passage qu'on retrouve
Le principe de la clepsydre est simple : l'eau s'écoule d'un
récipient dans un autre qui "vole" son eau au premier. Puis, on
mesure l'eau perdue du premier ou l'eau reçue par le second et on convertit en
mesure du temps écoulé.
Nous allons voir que ce n'est pas si simple que prévu.
La première clepsydre,
quand, où et combien de temps ? Selon les sources, les dates d'invention de la
clepsydre vont de 3 000 ans av. J.-C. à 1 500 ans av. J.-C. Ce qui
est certain, c'est que la plus ancienne actuellement a été découverte en 1904
dans les ruines de Thèbes (Temple d'Amon à Karnak) et remonterait à Aménophis
III ( XIII ème siècle av. J.-C.) pour lequel elle
aurait été fabriquée. Il est fort probable qu'elle ne fut pas la première et
que son origine est plus ancienne. Sa disparition est légèrement postérieure au
XVIII ème siècle où on utilisait encore des
clepsydres à tambour.
Toute l'histoire de la clepsydre en deux images :
la clepsydre découverte à Karnak datée du XIII ème siècle av. J.-C.
(Musée du Caire)
clepsydre à tambour du XVIII ème
siècle. (Musée de Besançon)
La clepsydre, instrument
digne d'intérêt ? Certes oui. Et pourtant on est bien obligé de constater le peu
d'études menées à son sujet. Dommage. Comme on va le voir, la clepsydre
contient en elle les prémices de l'horlogerie mécanique.
La clepsydre, instrument
de mesure du temps ? Question fatidique pour nous. Si la réponse est OUI, on continue.
Sinon, on passe à autre chose.
Si l'on entend par mesure
du temps le fait de pouvoir déterminer l'heure par soi-même, la réponse est
NON. Ce n'est ni un astrolabe, ni un cadran solaire.
La clepsydre est, tout
au plus, ce qu'on peut appeler un garde-temps pour une période plus où
moins longue mais pas de retrouver ce temps si son mouvement s'est arrêté.
Notons au passage que nos montres sophistiquées ne font pas mieux. Et,
puisqu'on parle de montre, si on compare cette dernière au cadran solaire, la
clepsydre serait plutôt un chronomètre dont le but est de commencer souvent à
zéro et de compter des temps assez courts.
C'est bien connu, les
Grecs et les Romains, dans la période antique, ne cessaient de palabrer.
Surtout dans les assemblées, qu'elles soient politiques ou judiciaires. Ne nous
posons pas la question de savoir si les choses ont beaucoup changé... et pas
seulement en Grèce ou en Italie...
Relisons donc un passage
de la Constitution d'Athènes d'Aristote pour revenir à notre
sujet : "Il y a au tribunal des clepsydres munies de tuyaux pour
l'écoulement. On y verse l'eau dont la mesure détermine la durée des
plaidoiries. Sont accordées dix conges (une conge =
Nous reviendrons sur ce
texte pour nous souvenir d'une chose qui va poser problème dans la conception
des clepsydres.
Je vais aussi ouvrir une
parenthèse pour lancer un appel aux étymologistes pour qu'ils me disent
l'origine de conge dont parle Aristote et si le mot a un rapport avec
notre congé moderne.
Pour répondre à la
question, répondons que OUI, la clepsydre est un instrument de mesure du
temps et continuons notre étude pour suivre son évolution à travers les
siècles.
La clepsydre et son
évolution :
L'évolution des
clepsydres, puis des horloges à eau, tient essentiellement à deux choses :
- Pendant quelques siècles,
il faudra maîtriser le fait que les heures mesurées sont des heures inégales
(voir le texte sur l'Astrolabe) et qu'il faudra graver les marqueurs de niveau
d'eau en tenant compte de la position du jour dans l'année.
- Aux lois qui régissent
l'écoulement de l'eau. En effet, sans entrer dans le détail des lois de
l'hydraulique, le débit de l'eau dans un instrument comme nous en avons vu un
plus haut (les deux récipients) n'est pas constant. Il
dépend de la viscosité de l'eau liée à la température, de la taille de
l'orifice de sortie qui peut s'élargir par usure ou se rétrécir par
encrassement, de la variation du niveau de l'eau dans le récipient de départ.
Nous ne parlerons pas
ici de modifications purement esthétiques qui voient naître des horloges hydrauliques
à automates. Les arabes sont passés maîtres dans la conception de telles
horloges qui peuvent atteindre des dimensions volumineuses comme, par exemple,
l'horloge monumentale de Fez au Maroc. Citons tout de même le nom du maître en
la matière, alJazari (mort en 1206) . Notons aussi qu'une horloge hydraulique fut offerte en
807 à Charlemagne par l'ambassadeur du calife Haroun el Rachid.
Regardons pour le
plaisir deux de ces horloges monumentales.
une Miniature du Traité des Automates de alJazari. (Musée of Fine Arts, Boston).On y distingue le
cercle du zodiaque,le Soleil, la Lune, 12 ouvertures
qui s’éclairent la nuit.
2 oiseaux laissent tomber une boule
À 6h, 9h, 12h les automates musiciens jouent.
Et maintenant, revenons
à nos problèmes de débit d'eau.
On ne peut pas faire grand chose pour remédier au problème de
Il nous reste le
problème majeur de la hauteur d'eau dans le récipient "émetteur" qui
fait varier grandement le débit.
Une première solution
fut trouvée par les Égyptiens et les Grecs. Au lieu d'utiliser des récipients
de forme cylindrique, ils utilisèrent des récipients évasés. Ils purent ainsi
graver à l'intérieur d'un des récipients des traits d'égale distance. Bien
entendu, il y avait plusieurs colonnes de traits pour tenir compte des
longueurs de jour et de nuit différentes (résultat de la division du jour et/ou
de la nuit en heures inégales). Et pourtant, la forme des récipients n'était
pas idéale.
Bien qu'optimisées quant
à leur forme, les clepsydres Égyptiennes ou Grecques (à gauche) n'avaient pas
la forme idéale (à droite) telle qu'on peut la connaître en appliquant les
théorèmes de Daniel Bernoulli (Suisse, 1700-1782) d'une génération d'illustres
mathématiciens.
Il fallut attendre des
inventeurs de génie pour régler le double problème de l'écoulement de l'eau et
des heures inégales. L'un d'eux fut Ktésibios,
contemporain d'Archimède, qui vivait à Alexandrie au IIIe siècle avant notre
ère. Finie la clepsydre, on peut maintenant parler d'horloges à eau. On peut
aussi citer Philon de Byzance (230 av. J.-C.) et Héron d’Alexandrie
(125 av. J.-C) .Les horloges qu'ils inventèrent étaient de véritables œuvres
d'art mêlant la recherche hydraulique et l'art des automates.
Pour ma part, et à
défaut de preuves, je me contente de dire qu'ils inventèrent et non pas qu'ils
fabriquèrent.
Nous allons nous
contenter de voir ce qu'il est est de l'horloge à eau
de Ktésibios au travers des textes de Vitruve,
architecte romain du Ier siècle av. J.-C. (qui a produit un énorme ouvrage en
10 volumes De architectura) et de ceux de Rees
qui a écrivit en 1819 un livre Clocks, Watches and Chronometers
duquel pas mal de croquis de cette page sont extraits.
L'horloge de Ktésibios
Voyons à quoi ressemble
cette horloge telle qu'elle est dessinée par Vitruve
Par un ingénieux double
système de rotation de colonne (en haut sur
Mais je
laisse à Vitruve le soin de la description des mécanismes : "En premier lieu, il
ménagea l'orifice d'écoulement dans un morceau d'or ou dans une gemme perforée;
car ces matières ne s'usent pas au frottement de l'eau qui coule, et des
saletés capables de boucher le trou ne peuvent s'y déposer. L'eau s'écoulant
régulièrement par cet orifice fait monter un flotteur renversé, que les
techniciens appellent " liège " ou " tambour ". Sur ce
flotteur est fixée une tige en contact avec un disque tournant, tige et disque
étant munis de dents égales. Ces dents, dont le mouvement se transmet de l'une
à l'autre, produisent des rotations et des déplacements mesurés. De plus,
d'autres tiges et d'autres roues, dentées de la même façon et mues par une même
impulsion, produisent en tournant des effets et des mouvements variés[...]. En outre, dans ces horloges, les heures sont
tracées soit sur une colonne, soit sur un pilastre contigu, et c'est une
figurine qui, sortant du bas de la machine, les indique avec une baguette pour
toute la durée du jour. En ajoutant ou en ôtant des cales chaque jour et chaque
mois, on rend compte obligatoirement de la durée plus courte ou plus longue des
jours. [.1.]. Ainsi, grâce à ces systèmes et à ce dispositif, on combine le
montage d'horloges à eau utilisables l'hiver. Mais l'accroissement de la durée
des jours en se servant de cales qu'on ajoute ou qu'on retranche - car ces
cales sont très souvent défectueuses -, on devra s'arranger ainsi: on tracera
les heures transversalement sur la colonnette, d'après l'analemme, et l'on
gravera sur elle les lignes des mois. Cette colonne devra pouvoir pivoter de
façon que, par rapport à la figurine et à la baguette - baguette que tient la
figurine pour indiquer les heures en s'élevant -, elle puisse, par sa rotation
régulière, rendre compte pour chacun des mois qu'elle porte de la durée, courte
ou croissante, des heures..."
Mais, allez-vous me
demander, et le problème du débit ? Comme chaque fois qu'il existe plusieurs
versions comme c'est le cas ici, je vous les livre et vous laisse le soin de
faire votre choix. Si l'un d'entre vous a des éléments complémentaires, merci à lui de me contacter.
La première version
serait que Ktésibios aurait, pour régler le débit de
l'eau, inventé le carburateur avant la lettre grâce à un système de cône
flotteur qui obstrue l'arrivée d'eau dans un autre cône quand le niveau d'eau
monte.
Une première hypothèse
voudrait que Ktésibios ait régulé le débit de l'eau à
l'aide d'un flotteur G qui vient obstruer momentanément l'arrivée d'eau
lorsqu'elle monte trop haut dans le compartiment BCDE. Lorsque le niveau d'eau
descend dans cette partie, le flotteur descend et libère l'arrivée d'eau.
L'autre version ne
mentionne pas l'existence de ce flotteur régulateur mais celle de l'existence
d'un système destiné à régler le débit en fonction des heures inégales. Rees précise même que ce système serait antérieur à Ktésibios.Le problème du débit aurait été réglé en
maintenant constant le niveau d'eau du premier récipient à l'aide d'un trop
plein. La seule innovation de l'horloge hydraulique de Ktésibios
serait donc ce tambour vertical tournant sur lequel une figurine désigne
l'heure exacte.
Selon la seconde version,
l'eau arriverait par un tuyau H et tomberait dans un premier réservoir conique
en forme d'entonnoir.
Le trop plein d'eau
serait évacué par un tuyau I positionné de façon à maintenir le niveau d'eau
constant dans le réservoir.
Un autre cône en métal
plein serait maintenu dans le premier et pourrait être déplacé par une règle
indexée D. Le fait de rapprocher un cône de l'autre aurait pour effet de
diminuer le débit de l'eau et donc de limiter la quantité de liquide qui arrive
dans le réservoir principal pour les jours les plus courts.
Le déplacement de
l'index doit se faire deux fois par jour : une fois au lever et une autre fois
au coucher du Soleil pour respecter les heures inégales.
J'ajoute, pour que vous
puissiez vous faire votre opinion en toute connaissance de cause, une partie du
texte de Vitruve que j'avais remplacée par un [.1.] dans son texte recopié plus haut :
"Les
robinets de l'eau, pour le réglage du débit, sont établis de la façon suivante:
on fabrique deux cônes, l'un plein, l'autre creux, si bien façonnés au tour que
l'un puisse entrer et s'ajuster dans l'autre, et qu'au moyen de la même tige on
les écarte ou on les resserre pour activer ou ralentir l'écoulement de l'eau
dans ces récipients".
Autres types d'horloges
décrits par Vitruve
Nous allons passer
rapidement sur d'autres types d'horloges que décrit Vitruve parce que, s'il font preuve d'ingéniosité dans la conception,
n'apportent rien à l'évolution des instruments. Ils se contentent d'essayer de
régler encore une fois le problème des heures inégales.
Différentes horloges à eau selon Vitruve :
:
Voilà la
planche du livre de Vitruve qui les décrit :
En bas à droite, un
instrument à deux cônes dont nous avons vu le fonctionnement dans le texte de
cette étude. Le débit de l'eau est régulé pour donner les heures inégales
Au fond, une horloge anaphorique
où les heures sont données sur un analemme (le cercle à droite de l'horloge)
qui n'est autre qu'une projection de la sphère céleste comme sur les
astrolabes. Le débit de l'eau n'est pas régulé.
A gauche, une horloge à
Tympan où le passage de l'eau est régulé en tournant journellement le disque
qui est en bas (normalement en position "poussée") constitué de deux
plateaux d'épaisseur variable.
L'horloge de Su Song
Faisons un saut dans le
temps et arrêtons nous en 1092.
C'est cette année là
qu'un Chinois du nom de Su Song construit au palais impérial de Khaifeng une immense horloge dans une tour de bois
de 3 étages de
Schéma de l'horloge de
Su Song
Maquette de l'horloge. Britisch Museum
En
Mais, êtes-vous en train
de vous demander, en quoi cette horloge apporte-t-elle des éléments nouveaux à
nos instruments de mesure du temps ?
Regardez bien la grande roue au centre de
Le système d'échappement de la machine de Su Song.
Ce mécanisme est dénommé échappement car il laisse échapper une
"dent" à chaque impulsion, en l'occurrence le remplissage d'un godet.
Ainsi, un écoulement continu d'eau est transformé en mouvement discontinu de la
roue.
Nous devons maintenant rendre
à César ce qui lui appartient et, en la circonstance, rendre l'invention de
l'échappement, vers 723, à deux personnes. D'abord un moine bouddhiste, Yi Xing et un
ingénieur chinois, Liang Ling-Tsan. Ils auraient, eux aussi, fabriqué une
horloge hydraulique astronomique.
Horloges
"modernes"
Pour en terminer avec
cette étude des clepsydres en autres horloges à eau, penchons nous sur le
mécanisme de la clepsydre à tambour du XVIII ème
siècle que nous avons vue au début de
Coupe du tambour de
l'horloge à tambour vue plus haut.
Ce tambour est fermé et c'est
toujours la même quantité d'eau qui y circule. Six cloisons le garnissent et
chacune d'elle est percée d'un orifice. De ce fait, l'eau contenue dans une
cloison peut s'écouler sur la cloison suivante du compartiment inférieur.
Lorsqu'un compartiment est plein, le poids du volume d'eau fait tourner le
tambour qui s'enroule dans le sens contraire de l'enroulement des cordes qui
soutiennent son axe. Le tambour descend donc vers le bas de l'horloge puis
s'arrête jusqu'au prochain remplissage d'un autre compartiment. Il suffit alors
de lire l'heure sur le montant de bois là où s'est arrêté l'axe du tambour.
Bien entendu, nous sommes dans un système d'heure égales où la journée est
divisée en 24 heures de même durée.
LE SABLIER
Nous n'allons pas passer
la journée sur un instrument que tout le monde connait.
Donc, juste quelques précisions :
Origine
Le sablier, dont on ne
sait pas qui l'a inventé, remonte probablement au XIII ème
siècle. Il fut d'abord appelé Orloge puis Reloge
puis horloge à sablon avant de devenir sablier au XVIII ème siècle.
Une partie de la fresque peinte par Ambroglio
Lorenzetti qui se trouve au Palazzo Publico de Sienne
date de 1338.
On voit un des personnages tenir un sablier symbole de tempérance.
Caractéristiques
Rempli de sable,
coquilles d'oeufs pulvérisées ou même de mercure, ce garde-temps est
principalement destiné à mesurer de courtes durées (heures ou fractions d'heures)
même si dans le tome premier des mémoires de mathématiques et de physique
datant de 1750 un certain Abbé SOUMILLE Correspondant de l'Académie
Royale des Sciences décrit un "Sablier de 30 heures, propre à servir sur mer,
marquant distinctement les heures & les minutes une à une, & qui ne
s'arrête pas dans le temps même qu'on le tourne".
Contrairement à la
clepsydre le débit d'écoulement du sable est indépendant de sa hauteur dans
Le sablier fut très
utilisé dans la marine où il portait le nom d'ampoulette (d'une durée de
28 secondes). Associé au loch (corde à noeuds) ,
il permettait de connaître la vitesse des bateaux.
A gauche, un sablier datant de 1750 exposé au
National Watch and Clock Museum
(Colombia - Pennsylvanie - US).
A droite, un sablier à plusieurs fioles qui permettent de mesure
des temps intermédiaires.
J'ai lu, je ne sais plus
où, que les prêtres l'utilisèrent pour limiter la durée de leurs sermons et le
baptisèrent : "verre à sermon". Lorsque le sermon durait plus que
prévu, le prêtre le retournait en disant à ses ouailles : "Mes frères,
nous allons prendre un autre verre". Ce n'est peut-être pas vrai mais
c'est charmant.
LES INSTRUMENTS AVEC
COMBUSTION
Là aussi, pas de quoi en
faire une pendule.
Le principe est toujours
le même : on connait la durée de combustion de telle
ou telle matière et, avec quelques repères, on peut connaître la durée du temps
écoulé.
La chandelle
Son
"invention" à des fins de mesure de durées serait due à Alfred le
grand (849-899) roi du Wessex (Angleterre) qui l'utilisait pour répartir les
heures de travail, de prière ou de sommeil.
La lampe à huile
En usage aux XVIII ème et XIX ème siècles en
Occident.
On allumait la mèche, le
niveau d'huile diminuait dans le réservoir gradué et on lisait le temps écoulé
sur les graduations.
A gauche, horloge à
huile du XIX ème siècle. National Watch and
L'horloge à feu
Utilisée
depuis très longtemps en Extrême Orient.
La partie creuse d'un
objet en laque à la forme de Dragon reçoit un bâton d'encens sur des supports
en fil de fer. La combustion de l'encens donne l'heure.
Il peut même servir de réveil-matin si on fixe un fil muni de poids à ses
extrémités en travers du Dragon. Dès que la flamme du bâton qui brûle atteint
l'heure souhaitée du réveil ,elle brûle le fil et les
deux poids tombent dans un réceptacle en métal qui tinte comme une cloche.
Autre type d'horloge à
feu Chinoise : le labyrinthe à encens.
Une grille (à gauche)
est posée sur un support. On remplit la partie creuse de poudre d'encens puis
on l'enlève (à droite).
On allume ensuite une
des extrémités du labyrinthe et, lorsque tout a brûlé,
le temps prévu est écoulé.
Je suppose qu'il
existait différentes grilles en fonction du temps à mesurer.
|
Les
instruments de mesure du temps - Partie V
Découpage de cette
étude
1
: Instruments d'avant l'écriture.
2 : Instruments d'observation des
ombres.
3 : Instruments d'observation des astres.
4 : Instruments avec écoulement ou
combustion.
5 : horloges et instruments modernes.Désolé pour ceux qui ont le
courage de suivre cette étude depuis le début mais je vais me répéter. Et même
plus sur cette page que sur les autres. Le but de notre étude est de suivre
l'évolution des instruments de mesure dans ce qu'ils ont d'innovant en matière
de précision. Vous ne trouverez donc sur cette page ni des images ni des
références à ce qui existe dans le monde en matière d'horloges, de pendules ou
de montres. Vous y trouverez encore moins des explications techniques
détaillées en matière d'horlogerie. Tout au plus quelques explications simples
(simplistes diront les spécialistes de l'horlogerie qui voudront bien
m'excuser) suffisantes pour comprendre l'évolution des instruments. Je serais
d'ailleurs bien incapable de vous expliquer ce qu'est une chaussée avec tige
ou une roue de renvoi ou bien d'autres pièces... Pour le reste, je vous
renvoie aux nombreux sites excellents qui existent.
DE L'HORLOGE A LA MONTRE
GÉNÉRALITÉS
Comme pour les clepsydres,
posons-nous quelques questions d'ordre général avant de suivre l'évolution
technique des instruments :
Quelle est l'étymologie
du mot Horloge ? Un petit plongeon dans le Dictionnaire de l'Académie
Française : "n. f. (autrefois masculin. On dit encore dans certaines
villes le gros horloge. Le gros
horloge de Rouen). XIIe siècle, oriloge, orloge, au masculin. Issu, par l'intermédiaire du latin horilogium, du grec tardif hôrologion,
« ce qui indique l'heure »."
Notons au passage que le
mot anglais clock vient du français cloche.
La première horloge,
quand, où et par qui ? Autant le dire tout de suite, on ne sait pas qui a inventé
la première horloge mécanique. C'est d'autant plus difficile de le savoir que
le terme horilogium a été utilisé de façon générique
et qu'il est impossible de savoir si ceux qui l'utilisent le font pour décrire
une horloge mécanique, une clepsydre ou même un cadran solaire. Souvenons-nous
du cadran canonial de l'église de Mérindol-les-Oliviers
dans la Drôme et de son inscription OROLOGII.
On prête quelquefois à Gerbert,
dont nous avons déjà parlé, l'invention de l'horloge mécanique. C'est
certainement faux. On peut d'ailleurs se demander, si c'était vrai, pourquoi
cette invention serait tombée dans l'oubli de la fin du X ème
siècle jusqu'à la fin du XIII ème siècle.
Parce que c'est bien à
la fin du XIII ème siècle que les premières
horloges mécaniques apparaissent en Europe. Plus précisément en Angleterre, en
1283, au Prieuré Dunstable à Londres. D'autres virent le jour dans les
années qui suivirent : Exeter (Angleterre) en 1284 ; Saint-Paul
(Londres) en 1286 ; Cantorbery (Angleterre) en
1292. Et bien d'autres encore au XIV ème siècle.
Notons que l'horloge mécanique
est d'origine purement occidentale. Ni la civilisation islamique ni la
civilisation chinoise ne se sont engagées dans cette voie. Problème de
technologie ou options différentes ( technologie
hydraulique pour les chinois) ?
L'horloge, instrument de
mesure du temps ? Je ne vais pas vous refaire le coup de
L'horloge, instrument
digne d'intérêt ? Oh, que oui !! Mille fois oui !! L'apparition de l'horloge est
certainement l'événement majeur et fondamental du moyen âge. Et ce, à mon avis,
pour plusieurs raisons.
Certainement pas par sa
précision parce que, de ce côté, les clepsydres et les cadrans solaires sont
bien meilleurs. Les premières horloges mécaniques, elles, battent la
breloque et il faut les remettre à l'heure... des cadrans solaires
plusieurs fois par jour sous peine de les voir perdre près d'une heure par
jour.
Certainement pas par sa
majesté et celle de ses deux aiguilles en haut des clochers des églises,
cathédrales ou beffrois. Tout simplement parce que les premières horloges sont
loin d'avoir atteint les hauteurs des clochers. Elles se contentent d'occuper
les couvents. Et, plus tard, les étages bas des églises. Et plus tard encore,
seulement le haut des tours.
Tout simplement parce qu'elles n'ont pas encore de cadran. Qui, d'ailleurs,
saurait les lire dans une population constituée à 95% de paysans ?
Au passage, pourquoi le
4 des heures des horloges est-il marqué IIII au lieu de IV ? Peut-être parce
que, justement, on peut confondre IV et VI quand on a une lecture un
peu...limite.
Et, quand elles auront
un cadran, tout simplement parce que leur imprécision se contente largement
d'une seule aiguille.
Mais alors, que faire
d'une horloge sans cadran et sans aiguilles ? Tout simplement alerter, comme un
réveil, un sonneur qui va prendre le relais et faire sonner les cloches
(vous vous souvenez ? Clock = cloche). Plus tard,
quand elle sera équipée de tous ses atours (cadran, aiguilles) et aura grimpé
en haut des clochers, elle sera servie avec attention par le gouverneur
d'horloge qui sera chargé de veiller sur elle comme sur la prunelle de ses
yeux. Surveiller, entretenir, tenir en accord avec le soleil sera la vie
quotidienne de ces personnages logés dans le clocher lui-même.
Trêve de certainement
pas, voyons un peu pourquoi l'apparition de l'horloge est l'événement
majeur du moyen âge.
- D'abord, parce qu'elle
représente la victoire des heures égales sur les heures illégales.
Nous avons vu dans les
pages précédentes que des instruments comme la clepsydre ou l'astrolobe donne des heures inégales, c'est-à-dire dont la
longueur varie en fonction des saisons, 80 minutes en été, 50 minutes en hiver
par exemple. Avec l'horloge, hormis les problèmes de précision, l'heure fait
soixante minutes et le jour comporte 24 heures. Il n'y a plus la nuit, plus le
jour mais une journée de 24 heures de 60 minutes. Point final.
- Ensuite, parce qu'elle
ouvre la voie vers une laïcisation du temps.
Jusqu'au XIII ème - XIV ème siècles le temps
appartient à Dieu. Et, par conséquent, c'est l'affaire des prêtres et
assimilés. Par l'intermédiaire des sonneurs assistés de clepsydre ou
autres cadrans solaires, ils ponctuent le temps avec les heures des prières et
offices. Souvenons nous des cadrans solaires canoniques vus dans les pages
précédentes de cette étude.
Lorsque l'horloge
mécanique arrive, elle joue le rôle de réveil pour les sonneurs de cloches
puis, au fil de temps, elle monte en haut du clocher et chacun en fait ce que
bon lui semble. L'heure est enfin à tous. Et de plus, nous venons de le voir,
elle est égale. Et quand l'horloge ne se contente pas de sonner les heures des
prières mais aussi les heures, la laïcisation est à son apogée.
C'est alors que l'heure
de tous va tendre à devenir l'heure de chacun. En simplifiant, chaque siècle
constitue une étape de cette évolution. Le XVII ème
siècle va la faire entrer dans
A partir du moyen âge,
nous passerons donc au fil des siècles d'une "mainmise cléricale" à
une démocratisation de l'heure.
Ne nous méprenons quand
même pas, ce n'est pas l'arrivée de l'horloge à elle seule qui déclenche ce
phénomène. Elle n'est que son outil. Le clergé n'était plus le seul demandeur
d'heures ou de compte-temps au Moyen âge. Au fur et à
mesure du développement de l'industrie ou du commerce, les besoins de points de
repères spécifiques se sont manifestés que ce soit le minutage du temps de
travail ou celui de certaines tâches. Si on y ajoute les besoins propres aux
cours royales ou autres on comprendra que l'horloge est arrivée...à la bonne
heure.
- Enfin, parce qu'elle
va déboucher sur une délocalisation du temps.
Non seulement l'heure
inégale est morte mais l'heure locale va y passer aussi. Je vous accorde qu'il
faudra y mettre le temps puisque cela ne va se passer qu'en 1891 pour la France
(voir l'étude sur les échelles du temps). L'arrivée de moyens de communication modernes comme le train
posent le problème. La mécanisation des horloges y répond. Toutes les horloges
de France vont être synchronisées sur la même heure, celle de Paris.
Dans le MAGASIN
PITTORESQUE de 1880, on peut lire un article intitulé Unification de
l'heure au moyen de l'électricité et de l'air comprimé.
En ce qui concerne les
horloges pneumatiques, on peut lire "...Déjà plusieurs horloges
fonctionnant par ce nouveau système, dont M. Popp, de
Vienne, est l'inventeur, ont été installées à Paris...Une horloge centrale est
disposée de telle sorte que toutes les fois que son balancier frappe la
soixantième seconde d'une minute, il se produit un déclenchement qui livre
passage à l'air comprimé dans les récipients ; celui-ci s'élance aussitôt dans
les tubes du réseau, et gonfle un soufflet qui se trouve à leur extrémité. En
gonflant, le soufflet soulève un petit levier qui fait tourner d'un cran une
roue qui en compte soixante, et dont chacun correspond à une minute. A cette
même roue est fixée la grande aiguille du cadran qui avance d'une minute...
L'installation des
quinze premiers cadrans a exigé dix huit kilomètres de tuyaux, et leur
établissement est tel que toutes les personnes qui habitent près du réseau de
cette canalisation peuvent recevoir l'heure à domicile. Il leur suffira de
faire embrancher sur le tuyau central un petit conduit qui amène chez elles
l'air comprimé fourni par l'administration."
EXPLICATION SOMMAIRE
DU FONCTIONNEMENT
Les horloges mécaniques
comportent trois pièces essentielles :
1) Une source d'énergie
(poids, ressort)
2) Des organes de
transmission chargés de transmettre l'énergie et à calibrer en heures égales le
temps de cette transmission.
3) Un échappement ou
organe distributeur qui laisse échapper périodiquement la force motrice. Il
aura aussi plus tard la fonction de restituer à l'organe régulateur (pendule)
l'énergie qu'il aura perdue par amortissement.
4) Un organe régulateur ou
oscillateur qui transforme le mouvement irrégulier en un mouvement régulier.
On peut aussi y ajouter
éventuellement :
1) Un système
d'affichage (cadran, aiguilles)
2) Un système de
remontage pour renouveler la source d'énergie.
L'évolution des horloges
ira dans deux directions : miniaturisation de la taille des organes et
amélioration de la précision du système de régulation. Bien entendu, nous
allons étudier plus particulièrement la seconde direction.
ÉVOLUTION
Le mieux, pour suivre
l'évolution des instruments, est de suivre un ordre chronologique. Je vous
rassure, nous n'allons pas relire encore une fois la chronologie qui figure
dans le Quid et qu'on voit fleurir telle quelle sur différents sites. Dans ce
cas, il suffit de faire directement un lien sur le site d'origine, non ?
Les premiers régulateurs
: l'échappement à foliot.
Nous ne savons pas qui
l'a inventé ni la date exacte de son apparition qu'on peut situer dans une
fourchette 1270-1330.
A ce sujet, je ne
résiste pas à l'envie de vous citer un passage de l'excellent livre de Gerhard
Dohrn-van Rossum , l'histoire de l'heure :
"... L'apparition de l'échappement, que l'on considère aujourd'hui
comme une innovation décisive ou une invention qui allait ouvrir de nouvelles
voies, ne se fait absolument pas jour dans la perception de l'époque. On la
décrit tout au plus comme un phénomène important mais énigmatique. En revanche,
on note immédiatement l'apparition des horloges à sonnerie, considérée comme un
événement technique sensationnel qui aura de grandes conséquences dans le
domaine social".
Voyons un peu comment
fonctionne ce système qu'on appelle aussi échappement à verge ou échappement
à roue de rencontre.
A gauche, vue d'ensemble
d'un mécanisme avec son foliot. A droite, détail de l'échappement à roue de
rencontre.
Photos aimablement prêtées par Jean Claude Sulka dont
le site mérite une visite.
Sur la photo de gauche,
à droite, on peut voir la source d'énergie constituée par un poids suspendu à
un câble s'enroulant autour d'un tambour. La partie gauche concerne le système
de sonnerie.
Sur la photo de droite,
on peut voir la partie échappement à foliot. Le foliot est une pièce en
forme de T dont l'arbre vertical (verge) est surmonté d'un fléau. Une
roue dentée (roue de rencontre), solidaire du tambour moteur fait
tourner, par l'intermédiaire d'une palette, la verge et le fléau jusqu'à
ce qu'une autre palette, qui forme avec la première un angle de 60° environ,
stoppe le mouvement et inverse le sens de rotation. A chaque mouvement, le
foliot laisse échapper une dent de la roue de rencontre d'où le nom d'échappement
donné au mécanisme. La durée de l'oscillation du foliot peut être modifiée par
déplacement sur le fléau de poids de régulation. Cette durée d'oscillation doit
correspondre à une norme temporelle (minute, heure..).
Le mot foliot
dérive du mot folie qui image ce mouvement incessant de va et vient
qu'effectue le fléau. On rencontre pour la première fois le nom sous la plume
de Jean Froissart, Poète et chroniqueur français (1337-1404), dans un
poème Li Orologe amoureus
datant de 1370.
Le mécanisme a foliot
n'est pas l'apanage des grandes horloges comme le prouve cette montre-tambour à foliot avec mouvement entièrement en fer.
Anonyme, Allemagne du sud - vers 1540
Dans son livre, Gerhard
Dohrn-van Rossum fait
remarquer qu'en 1931 J. Drummond Robertson a supposé le premier que
l'échappement d'horlogerie pourrait avoir été mis au point à partir d'anciennes
installations de répétition des coups de cloche. En effet, le système de
sonnerie fonctionne de manière identique à l'échappement que nous avons vu.
Sauf que le foliot est remplacé par un levier-marteau
qui vient heurter une cloche. Bien entendu, le mouvement de sonnerie est plus
rapide.
Et Gerhard Dohrn-van Rossum explique comment,
selon lui, a été mis au point l'échappement mécanique des horloges : dans les
monastères l'usage de "réveils" était monnaie courante. Au XIII ème siècle, on découvre qu'en ralentissant l'oscillation du
marteau de la cloche, en augmentant sa masse et en la rendant réglable on
pouvait obtenir un mouvement d'horlogerie stable. Pourquoi pas ? Bien que côté
stabilité et précision, il y avait encore des progrès à faire.
Une variante de
l'échappement à foliot
C'est celui que va
utiliser Giovanni Dondi et qu'il va décrire dans un
ouvrage datant de 1365.
reconstitution fidèle de l'horloge planétaire (Astrarium) de Giovanni Dondi
qu'on peut voir à l'observatoire de Paris. L'original n'existe plus.
le croquis du châssis inférieur d'après un manuscrit de
la bibliothèque de l'Eton College, Windsor.
Sur le croquis de droite, on peut voir sur la partie supérieure que le foliot
est remplacé par une roue horizontale et munie de "chevilles"; La
question se pose de savoir comment ce mécanisme pouvait être réglé. Notons
aussi la présence d'un cadran.
Changement de moteur
Vers 1450, le ressort
d'acier va apparaître comme source d'énergie.
Ne confondons pas ce que
je vais appeler le ressort-moteur avec celui que nous
verrons arriver plus tard et qui concernera, lui, le système de régulation.
L'avantage du ressort
sur le poids est que son plus faible encombrement permet le déplacement de
l'horloge et la miniaturisation de l'ensemble de l'horloge qui peut devenir
horloge d'intérieur ou montre.
En revanche, il a un
inconvénient majeur par rapport au poids : il délivre une force d'énergie
décroissante au fur et à mesure qu'il se détend. Du coup, les premières
horloges à ressort sont encore pires en précision que les horloge à ressort.
On va donc vite voir
naître deux systèmes destinés à maîtriser cette irrégularité de la force
motrice. En Allemagne, ce sera le stackfreed
qui ne fera pas long feu. En France, ce sera la fusée qui, elle, sera
utilisée beaucoup plus longtemps.
système à stackfreed.
système à fusée. Le
remplacement de la cordelette par une chaînette, en 1650, est due à l 'horloger Genevois Gruet.
- Le stackfreed
utilise un second ressort qui fait pression sur une came qui se charge de
maintenir constante la force motrice.
- Même but pour
Notons au passage que
tous les croquis font apparaître des vis comme système de fixation des pièces
entre elles. En vérité, les premières horloges (au sens large du terme) étaient
munies de clavettes et ce n'est qu'en 1550 environ qu'arrivent les vis.
Révolution chez les
oscillateurs
C'est au XVII ème siècle que la précision des instruments va
considérablement s'améliorer et passer de dérives de 15 minutes à seulement
quelques secondes. Un précision telle que l'Anglais Daniel
Quare (1649-1724) va enfin ajouter l'aiguille des
minutes au cadran à la fin du siècle.
A moins de tomber dans
le piège des techniques horlogères, notre étude sur l'évolution de la précision
des horloges mécaniques sera terminée après que nous ayons vu cette
"révolution chez les oscillateurs".
Tout commence en 1583
lorsque Galilée selon son premier biographe, Vincenzo Viviani,
formule la loi d’isochronisme du pendule, après avoir observé le balancement
d’un lustre dans la cathédrale de Pise : la durée d’une oscillation ne
dépend que de la longueur du pendule et non pas de l’amplitude du mouvement.
GALILEO GALILEI (1564 -
1642)
On ne
présente plus Galilée, on cherche juste à faire une biographie qui ne tienne
pas des pages !!
Né à Pise, cet éminent physicien et astronome fit de
nombreuses découvertes en mécanique et en astronomie. Il améliore
considérablement la lunette astronomique, prend parti en faveur de la réalité
du mouvement de la Terre, invente un thermomètre, la balance hydrostatique, un
compas de proportion. Il établit les lois de la chute des corps. Pour ce qui
nous concerne ici , il découvre les lois du pendule.
C'est en 1638 qu'il
publie la théorie du pendule et charge son fils de la réalisation d'une horloge
à poids et pendule qu'il a conçue. Malheureusement, ce fils meurt l'année
suivante.
On voit ici le dessin
fait par Galilée Fils sous la dictée de son père et d'après lequel il devait
réaliser l'horloge à balancier
Entre alors en scène Christiaan HUYGENS 1629-1695
Christiaan HUYGENS (1629-1695)
Il est né à La Haye et c’est dans les œuvres
de Descartes, ami de son père, qu'il fait ses études scientifiques. Il est le
premier à avoir observé un satellite de Saturne (Titan), puis la rotation de
Saturne et ses anneaux. Il publie les règles du choc élastique. Il était membre
de l'Académie des Sciences de Paris et de la Société royale de Londres. En ce
qui nous concerne, il invente l'horloge à pendule et le ressort spiral des
montres.
A-t-il poursuivi les
travaux de Galilée ou mené les siens en parallèle ? Il n'empêche qu'en 1657, il
charge l'horloger Salomon Coster de construire une horloge à poids et à
pendule qui portera vite le nom de pendule.
L'horloge à pendule
pesant telle qu'elle apparaît dans le livre de Huygens Horologium
oscillatorium.
On peut noter sur cette gravure que l'échappement est encore à
roue de rencontre ce qui oblige à des amplitudes d'oscillation du pendule
importantes et qui est néfaste à l'isochronie du mouvement.
Les deux lames sont destinées à corriger les variations de la
période des oscillations du pendule dont la période est ajustée par.un poids-curseur, mobile le
long de la tige.
Il faudra attendre 1671 et l'horloger William Clément pour voir
apparaître" l'ancre à recul " sur une idée de Robert Hooke.
Elle permettra une oscillation du pendule d'un angle de 4 à 5° au
lieu de 40° dans l'horloge de Huygens et de bien réaliser l'isochronisme.
18 ans plus tard, en
1675, Huygens invente la première montre à ressort-spiral,
exécutée par Isaac Thuret, un des meilleurs horlogers de Paris. L'organe
régulateur était un balancier (à ne pas confondre avec celui des horloges),
petit volant métallique accouplé à un fin ressort
d'acier enroulé en forme de spirale agissant sur lui comme la pesanteur sur un
pendule.
Croquis sommaire réalisé
par Huygens et représentant le mouvement à ressort spiral
Dessin réalisé par
Huygens dans le Journal des Savants le 25 février 1675.
Réalisation par Thuret
du mouvement tel qu'il avait été imaginé par Huygens.
Dans les années et les
siècles qui suivirent, les horlogers et inventeurs s'attachèrent à améliorer
les mouvements créés ou autres, que ce soient les échappements, les sonneries,
les systèmes de remontage, la qualité des matériaux, la résistance aux
variations de température... Mais on sort là des limites de cette étude et, qui
plus est, de celles de mes compétences. Je vous renvoie donc au quid pour une chronologie complète
des horloges et montres.
LE QUARTZ, OSCILLATEUR MODERNE
En 1880, Pierre et
Jacques Curie découvrent l'effet piézo-électrique : quand on soumet certains
types de cristaux (dont le quartz) à une contrainte, il apparaît à leur surface
des charges électriques.
Il suffit donc de mettre
un cristal de quartz dans un boîtier, de lui taper dessus (sur le quartz, pas
sur le boîtier) et de récupérer les charges électriques pour que le tour soit
joué.... Zut, je me suis trompé !! On est en train de construire un briquet ou
un allume-gaz, mais pas une montre. On vient de mettre en application l'effet
piézo-électrique direct.
Il faut attendre G. Lippman pour mettre en évidence l'effet
piézo-électrique inverse : les cristaux se déforment lorsqu'on les soumet à un
champ électrique. Si cette "excitation" du quartz est permanente, il
va vibrer à une fréquence très stable qui lui est propre et qui va dépendre de
sa taille (dans les deux sens du terme). Il suffit de compter les vibrations
pour les transformer en unité de temps voulue (seconde par exemple). Le
résonateur à quartz est né.
Pour les montres, la fréquence est un général de 32 768 Hz. Un circuit intégré
va diviser cette fréquence par 2 15 fois de suite et nous obtenons notre
seconde.
Quant à la précision
d'un tel oscillateur, elle est de 1/1000 de seconde en 24 heures. C'est quand
même nettement mieux que notre foliot du début, non ?
Les premières horloges à
quartz virent le jour en 1929-1930 et leur taille n'avait rien à envier aux
premières horloges de clochers. La première montre à quartz à aiguilles est
apparue en 1967 et la montre numérique est née en 1971.
Si vous cherchez le quartz dans votre montre, vous n'allez pas
trouver quelque chose qui ressemble à l'image de gauche mais quelque chose qui
ressemble à l'image de droite. Il ne vous reste plus qu'à ouvrir le boîtier
pour trouver la lamelle de quartz.
Après, je ne vous garantie pas un très très
bon fonctionnement de la montre...
LES HORLOGES ATOMIQUES
Avec les horloges atomiques,
nous allons passer à une précision extrême qui est de l'ordre d'une seconde
tous les 3 000 ans environ.
Bien entendu, ces
horloges n'ont pas pour vocation de terminer chez nous sur
Nous n'allons pas entrer
dans le détail de leur fonctionnement. Sachons simplement que, cette fois,
c'est l'atome qui va servir d'oscillateur puisque sa fréquence (ou, plus
précisément, son changement d'état) est encore plus précise que celle du
quartz. Il en existe d'autres, mais l'atome de Césium (Cs
pour les intimes) semble se prêter de bonne grâce à son rôle d'oscillateur.
EN GUISE DE CONCLUSION
Vous souvenez-vous de
l'image de la tempérance telle que
Au XV ème siècle, elle est représentée ainsi dans un manuscrit
conservé à
Comment, à l'époque des horloges
atomiques, devrait-elle être représentée ?