Les instruments de mesure du temps

  Auteur de l'étude

 

 

 

Les instruments de mesure du temps - Partie I

Découpage de cette étude

Le mieux, bien sûr eut été de dérouler cette étude chronologiquement au fur et à mesure de l'apparition ou de l'évolution d'un instrument. L'inconvénient de cette méthode est que les vies des différents instruments s'entrecroisent et qu'après avoir découvert un instrument puis un autre, il nous faudrait revenir au premier parce qu'il a subi une modification majeure.

Nous allons donc découper notre étude, classiquement, par grands types d'instruments qui feront chacun l'objet d'une page particulière.
1 : Instruments d'avant l'écriture.
2 :
Instruments d'observation des ombres.
3 :
Instruments d'observation des astres.
4 :
Instruments avec écoulement ou combustion.
5 :
horloges et instruments modernes.

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LES INSTRUMENTS PRÉHISTORIQUES

1) L'os d'Ishango

Dans les années 1950, l'archéologue belge Jean de Heinzelin découvre dans les environs d'Ishango un os marqué d'encoches. Les recherches en datation le font remonter à 20 000 ans. Les zoologues ignorent à quel animal il aurait pu appartenir.



Le village d'Ishango est situé non loin du lac Edouard, au bord de la rivière Semliki qui en sort et qui va se jeter dans le lac Albert où commence le Nil.

 

Cet os, de moins de 10 cm, comporte un quartz à l'une de ses extrémités et présente trois colonnes d'entailles.




En y regardant de près, et même de très près, on peut regrouper les entailles de la façon suivante :

 

 

groupe 1

groupe 2

groupe 3

groupe 4

groupe 5

D

 

9

19

21

11

G

 

19

17

13

11

M

7

5 et 5

10

4 et 8

3 et 6


Chronologiquement, il existe trois interprétations de ces séries :

1) la première est celle de Jean de Heinzelin lui-même qui y voit une "calculette préhistorique".

2) La deuxième, qui nous concerne, est celle d'Alexander Marshack, chargé de recherche au Peao Museum of Archaelogy.

Selon lui, l'os d'Ishango est un calendrier lunaire. Il fonde ses conclusions sur l'observation au microscope des encoches et sur leur dénombrement.
L'observation microscopique révèle que les entailles n'ont pas la même inclinaison ni la même profondeur. Les plus petites sembleraient correspondre à des jours de nouvelle lune.
Le dénombrement, lui, révèle que la somme du nombre de la colonne D est égale à 60. Idem pour celle des nombres de la colonne G. L'addition de D et G donne 120 soit 4 mois lunaires (à deux jours près).
La troisième colonne, M, totalise 78 entailles soit un mois lunaire et demi.

Que faut-il en penser ? Je vous laisse vous faire votre propre opinion, mais, pour ma part, j'ai de gros doutes. Je doute qu'an l'an - 20 000 le microscope soit très répandu. Je doute aussi qu'on puisse faire de cet os et de ses marques un instrument de mesure puisque rien ne permet de poser une marque sur une encoche pour savoir quel jour on est et se repérer ainsi dans le temps. Alors, simple calendrier rustique ? autre chose ?

3) La troisième est celle de V.Plester, chercheur à l'Agence Spatiale Européenne qui y voit la prédominance de certains nombres (6,12) en Afrique.

Bref, on ne sait pas trop encore ce que veulent signifier ces encoches sur l'os d'Ishango. Mais la théorie "instrument de mesure du temps" semble avoir fait long feu. Il fallait quand même en parler.

2) L'os de l'abri Blanchard

On va retrouver A.Marshack et son microscope plus tard (1965) en train d'examiner un autre os datant cette fois d'environ 32 000 ans av. J.-C. Cet os provient de l'abri Blanchard en Dordogne (France).




Non loin des grottes de Lascaux, l'abri Blanchard est proche du village de Seageac le long de la Vézère

L'observation à œil nu révèle un certain nombre de marques creusées en une sorte de spirale



En haut, l'os de l'abri Blanchard recto-verso.

A droite, la partie recto et l'agrandissement des marques fait par Alexander Marshack (dessin d'A.M)



L'ensemble des marques de la partie recto correspondrait à une période lunaire de 2 mois 1/2.

Marshack note que "... un homme exécutant une composition ornementale de 5,2 cm n'eût pas changé 24 fois de pointe et de style de frappe pour graver 69 marques aussi rapprochées". Ça, c'est son microscope qui le révèle. Comment le graveur, sans cet instrument, est-il arrivé à cette précision supposée de gravure ? N'est-on pas en train de prendre ce que l'on voudrait voir pour la réalité ?

L'os fait aussi apparaître 63 marques sur la tranche et 40 au verso. L'ensemble des marques de l'os couvrirait une période de 6 mois lunaires.

L'os de l'abri Blanchard est-il un instrument de mesure du temps préhistorique ? Le problème est le même que pour l'os d'Ishago : comment "marquer" le moment où nous sommes ? A chacun de se faire son opinion. Là aussi, il fallait en parler.

2) Les mégalithes : Stonehenge

Le site mégalithique de Stonehenge se situe près de Amesbury, dans le Comté de Wiltshire en Angleterre.




De quand date le site de Stonehenge ? Difficile de répondre parce que, en fait, s'il a été construit pendant le néolithique, cette construction s'est déroulée en trois phrases successives de 2900 av. J.-C environ à 1600 av. J.-C. environ.

Pour nous permettre de suivre ces constructions successives, voyons un peu à quoi ressemble le site à l'aide d'une vue générale.



Détaillons maintenant les trois phases principales (il y a des sous-phases) telles que les archéologues s'accordent à les décrire.

PHASE 1 : (environ 2 900 av. J.-C)



Sur un cercle d'un diamètre de 100 mètres, édification de deux talus séparés par un fossé.

Un troisième cercle, plus à l'intérieur, se caractérise par 56 trous (on peut en apercevoir quelques-uns à gauche et en bas de l'image principale. C'est le cercle dit d'Aubrey en mémoire d'un archéologue. Ces trous contenaient des poteaux de bois.

PHASE 2 : (environ 2 900 à 2 400 av. J.-C)



Les trous d'Aubrey sont remplis d'os, de restes crématoires ou de restes crématoires.

D'autres trous servent à dresser des constructions en bois.

Une avenue de 12 mètres est construite et accueille la Hell Stone, une pierre levée de 4,80 m de haut et enfoncée dans le sol de 1,20 m. Elle est entourée d'un fossé circulaire et devait certainement avoir une jumelle de l'autre côté de l'allée.

Certains archéologues situent ces derniers événements (avenue et Hell Stone) beaucoup plus tard (fin de la troisième phase).

PHASE 3: (environ 2 400 à 1 600 av. J.-C)

Etape a

Le cercle de Sarsen et des trilithes sont mis en place.

Les trilithes, comme on peut le voir en cartouche de l'image ci-contre sont composés d'un linteau posé sur deux supports. Elles étaient disposées en cinq paires distinctes.

Le cercle de Sarlen a 33 mètres de diamètre et se composait de 30 pierres de 4 mètres de haut. Il en reste 17 encore en place.

 


Etape b

Des pierres bleues sont rajoutées. Un ovale de ces mêmes pierres vient fermer le fer à cheval interne. Un cercle de pierres bleues est rajouté entre ce fer à cheval et le cercle de Sarsen.

Deux derniers cercles sont rajoutés à l'extérieur du cercle de Sarsen pour installer d'autres pierres. Ce sont les trous Y et Z.



Etape c

L'ovale central est démantelé et le fer à cheval central retrouve son état d'origine.

Les trous Y et Z ne recevront jamais les pierres prévues.

On peut voir en cartouche de l'image ci-contre une reconstitution de ce que devait être la partie centrale du site.



Qu'est ce qu'un tel site peut avoir à voir avec nos instruments de mesure du temps ?

Au début des années 1970, un ingénieur écossais, Alexandre Thom et son fils Archibald examinent de nombreux sites mégalithiques en les considérant comme un tout et non pas comme des constructions individuelles. Ils trouvent que de nombreux édifices sont alignés vers le lever ou le coucher du soleil aux solstices ou aux équinoxes et en concluent qu'il existe un lien entre les sites mégalithiques et l'astronomie. Thèse contestée par d'autres chercheurs comme Clive Ruggles.

Accordons le bénéfice du doute aux Thom père et fils.

Beaucoup plus tôt, au XVIII ème siècle, un certain William Stukeley avait remarqué que l'avenue, le fer à cheval central et la pierre de Heel étaient alignés sur le lever du soleil au solstice d'été. L'idée d'un instrument astronomique de mesure du temps vient de germer.

Ils sont nombreux à avoir confirmé l'option astronomie. Parmi eux, et qui nous concernent particulièrement, l'astronome Gerald Hawkins et l'astrophysicien Fred Hoyle (1915-2001) .

Passons sur toutes les orientations astronomiques repérées et venons-en à notre propos.

Les trous d'Aubrey permettent de se positionner dans l'année : il suffit de placer un marqueur dans le trou qui se trouve dans l'axe de l'avenue. On le déplace ensuite de deux trous tous les 13 jours dans le sens inverse des aiguilles d'une montre et, lorsque que le marqueur retrouvera sa position initiale, l'année sera écoulée.

Retrouver le mois lunaire ? Rien de plus simple. Le jour de la première pleine lune après le solstice d'été (repérable par d'autres moyens prévus) , placer un autre marqueur à 28 trous du marqueur solaire (dans le sens anti-horlogique) et le déplacer de deux trous tous les 2 jours. Le marqueur fera un tour complet en 28 jours soit, approximativement, une lunaison.

On peut ainsi multiplier les exemples à l'infini pour des observations plus astronomiques. Je vous en donne un pour le plaisir. Les quatre "pierres-stations" marquées 91, 92, 93, 94 sur la dernière image (phase 3c) forment un rectangle parfait. Les directions indiquées par les côtés correspondent aux directions des levers et couchers les plus extrêmes du soleil et de la lune. Stonehenge est le seul lieu où les repères de telles directions forment un rectangle. Étonnant, non ?

Les lignes que l'on peut tracer entre les trous 91, 92, 93, 94 pointent sur des événements astronomiques remarquables.



Alors ? Stonehenge, instrument de mesure du temps ?

Je me garderai bien de répondre à la question. D'abord pour vous permettre de vous faire votre propre opinion. Ensuite, parce que les théories que nous venons de voir ne sont... que des hypothèses avancées par certains spécialistes et contestées par d'autres.
Un fait est certain : si Stonehenge est ce que certains disent qu'il est, il est aussi le seul des "objets" de cette page à posséder la caractéristique d'un vrai instrument de mesure qui est de se repérer dans le temps grâce à des "marqueurs".
Pour le reste, mon sentiment est que, grâce aux connaissances astronomiques que nous possédons actuellement, si j'enlève les piquets d'un pré rectangulaire et si je trace des lignes virtuelles entre les trous laissés, en combinant les trous j'arriverai bien à "pointer" peu ou prou sur un événement astronomique remarquable.

Mais, pour avoir toutes les cartes en main, il fallait bien en parler.

 

 

 

Les instruments de mesure du temps - Partie II

Découpage de cette étude

1 : Instruments d'avant l'écriture.
2 :
Instruments d'observation des ombres.
3 :
Instruments d'observation des astres.
4 :
Instruments avec écoulement ou combustion.
5 :
horloges et instruments modernes.

 

LES INSTRUMENTS D'OBSERVATION DES OMBRES

Inutile, je pense, de vous dire que cette page sera essentiellement consacrée aux cadrans solaires dans l'acception la plus large de ces termes sans perdre de vue que notre but est de suivre l'évolution des instruments de mesure du temps. Il n'est ni de faire l'inventaire des cadrans solaires dans le monde ni de savoir comment on les construit.

Nous ferons quand même une petite entorse au titre de cette page en y incluant les instruments basés sur l'observation d'un point lumineux ou d'une tache lumineuse.

Dernière précision avant de poursuivre notre étude : si vous avez oublié vos notions d'astronomie, je vous conseille d'aller vous rafraîchir les idées ici. C'est fait ? Alors, c'est parti pour un voyage au royaume des ombres.

LES CADRANS SOLAIRES

Quand le bâton devient gnomon

Plantons un bâton verticalement dans le sable d'une plage plane. Je dis plage parce que c'est plus facile à faire mais si vous voulez planter ce bâton dans la dalle en béton de votre terrasse, je n'y vois aucun inconvénient.

Maintenant, observons l'ombre de ce bâton produite par le soleil sur le sable et marquons l'extrémité de cette ombre à différentes heures de la journée. Et nous venons de réussir notre premier tour de magie : le bâton s'est transformé en gnomon.

Pendant que nous en sommes là, terminons en une fois pour toute avec la définition du gnomon :

- Gnomon (lat. Gnomon, du grec) sm. : Espèce de grand style dont les astronomes se servent pour connaître la hauteur du soleil. L'aiguille ou style du cadran solaire. Littré

- Gnomon (1547, mot latin du grec) : Ancien instrument astronomique composée d'une tige verticale (style) faisant ombre sur une surface plane.Le Petit Robert

GNOMON. s. m. Terme d'Astronomie. Espèce de grand style dont les Astronomes se servent pour connaître la hauteur du Soleil, principalement au Solstice. Les Gnomons des Anciens étaient des espèces d'obélisques surmontés d'une boule.
On appelle aussi Gnomon, Le style d'un cadran solaire. Dictionnaire de l'Académie française, 5 ème édition 1798

GNOMON. n. m. T. d'Astronomie. Tout instrument qui marque les heures par la direction de l'ombre qu'un corps solide porte sur un plan ou sur une surface courbe. Dictionnaire de l'Académie française, 8ème édition (édition actuelle)

J'ajoute que gnomon vient du grec et signifie indicateur.

Bref, le gnomon est parfois le "bâton", parfois "l'instrument ". Quel instrument ? faisons simple et disons qu'il est composé d'un faiseur d'ombre et d'un récepteur d'ombre.

La tendance actuelle est de nommer gnomon un style (faiseur d'ombre) droit et style un gnomon incliné. A moins que le gnomon soit un style incliné !! Pour notre part, nous appellerons simplement style l'objet qui produit l'ombre.

Quelle différence entre un gnomon (au sens de "instrument") et un cadran solaire ? Souvenons nous de cette vieille devinette éculée, "quelle est la différence entre le tennis et le ping pong ?". Au tennis, on joue sur la table !! Le gnomon instrument est au cadran solaire ce que le tennis est au tennis de table. D'ailleurs on appelle table le "récepteur d'ombre" en gnomonique (art de construire des cadrans solaires) ou chez les cadranistes (constructeurs de cadrans solaires).

Bon. Mine de rien, j'ai casé toutes mes définitions (ou presque) et nous pouvons en venir aux choses sérieuses.

Retournons à notre bâton et observons bien, sur une journée, son ombre portée sur le sable. Nous constatons que cette ombre varie aussi bien en position qu'en longueur. Lorsque l'ombre est la plus courte, il est midi et le soleil indique le sud dans l'hémisphère nord (ne dit-on pas qu'on descend dans le midi ?).

Sur plusieurs années, on peut constater qu'une ou deux fois par an l'ombre de la pointe du gnomon dessine une ligne droite durant une même journée. L'ombre au lever et l'ombre à midi forment un angle de 90 degrés. Idem pour le soir ou le soleil se couche exactement à l'ouest. Ce sont les jours de l'équinoxe.

Il suffit de repérer sur le sable ou ailleurs ces moments privilégiés pour avoir marqué les équinoxes, midi, le sud, l'est et l'ouest.



Considérons comme plat l'endroit où nous sommes avec notre bâton. En nous tournant sur nous-même, nous parcourons visuellement un cercle qui correspond à l'horizon et le ciel ressemble à une demi-sphère. Représentons un peu cette situation dans un dessin.

Nous sommes au centre O du cercle constitué par l'horizon.

A la verticale du bâton se situe un point Z qui est le zénith. À l'opposé N se situe le nadir.

Le demi plan passant par la droite ZN et par le soleil S s'appelle le vertical de S. Il coupe notre cercle horizontal en S'.

Sur ce même plan horizontal, nous avons déterminé un point R en direction du sud.

On appelle azimut de S l'arc RS' (angle S'OR) et hauteur l'arc SS' (angle SOS')

Comme nous l'avons vu plus haut, azimut et hauteur varient tous deux en permanence en dépendant de la latitude du lieu, de la déclinaison du soleil (date) et de l'heure.



Si, pour un lieu donné, nous tenons compte de la position de l'ombre entière pour mesurer le temps, nous allons construire un gnomon azimutal.

Si, on contraire, nous tenons compte de la longueur de l'ombre en marquant sa pointe, nous allons construire un gnomon de hauteur.

De tels gnomons existent au moins depuis 2 000 ans avant notre ère. Mais ils sont certainement plus anciens surtout si on ne tient pas compte de la distinction entre instrument de mesure et instrument d'observation.

Il aurait existé en Inde, dès le IV ème siècle av. J.-C. des tables d'ombres basées sur le principe du gnomon de hauteur où le style était l'individu lui-même. Il suffisait de mesurer l'ombre d'un individu et, à l'aide de la table, de connaître l'heure. Le premier cadran portatif !

Gnomon et obélisques

Nous venons de voir que l'observation de l'ombre portée d'un simple bâton suffit à commencer à se repérer dans le temps. Avant d'aborder les problèmes posés par le style vertical, posons nous clairement cette question qui nous trotte dans la tête : puisqu'un objet vertical peut nous servir à construire un "cadran solaire", les obélisques égyptiens n'étaient-ils pas les styles de cadrans solaires ?

C'est très peu probable pour différentes raisons :

- Aucune marque trouvée de repères sur le sol
- Hauteur immense (10 à 20 mètres) portant des ombres jusqu'à 200 mètres ou plus (dont l'extrémité est floue)
- Section carrée qui donne des ombres à mouvements saccadés.
- Section inégale tout au long de la hauteur (arêtes inclinées).

Avec de tels instruments, on peut tout au plus repérer les solstices et les équinoxes avec plus ou moins de bonheur. Ce serait faire insulte à l'intelligence des Égyptiens de l'époque que de penser qu'ils n'auraient pas utilisé d'autres moyens plus fiables s'ils en avaient connu le principe.

Ceci dit, au moins un des obélisques égyptiens a été construit en cadran solaire. Fut-il utilisé comme tel ? Il le fut à Rome, dans la partie septentrionale du Champ de Mars, provenant d' Héliopolis, amené en 10 av. J.-C. sur ordre d'Auguste et érigé au V ème s. av. J.-C.



l'Horologium Augusti reconstitution
(Photo D. Lauvernier)

 

Aujourd' hui l'Horologium sur la Piazza Montecitorio.
(Photo
M. Royo)

 

Polos et scaphé

Comme nous l'avons vu plus haut, l'azimut et la hauteur dépendent de trois variables qui sont la latitude du lieu, la déclinaison et l'heure. Pour un cadran d'azimut, sauf à midi, l'ombre de notre style vertical ne sera jamais dans la même direction. Pas question donc de diviser notre cadran en parties égales fixes pour mesurer les heures.



Si, avec un style droit, l'ombre du bâton est toujours au même endroit à midi
(image du haut) , il n'en est pas de même pour les autres heures du jour (image du bas)



Pour un cadran de hauteur, la pointe de l'ombre ne sera jamais au même endroit. Pas question donc de tracer une ligne et d'y marquer les heures.

Le scaphé va nous aider à régler ce problème. Il daterait de près de 3 000 ans mais comme les premiers instruments connus avec certitude datent de 600 ans av. J.-C. en Grèce, nous retiendrons plus modestement cette date. Nous ne parlerons pas de leur ancêtre le Polos qui, bien qu'ayant certainement existé, ne nous est pas parvenu.

Le principe du scaphé est aussi simple que remarquable : représenter la demi-sphère céleste que nous voyons sur notre plage de sable dans une demi-sphère creusée (scaphé signifie barque) dans un bloc de pierre et représenter le soleil par l'ombre portée d'un boule placée en son centre. Après, il ne reste plus qu'à tracer quelques lignes pour nous permettre de mesurer le temps.

Il y eu deux sortes de scaphé : le scaphé grec où la demi-sphère est entière et le scaphé romain qui ne comporte qu'une partie de la demi-sphère. Nous verrons que le principe est le même et que tronquer la demi-sphère ne change rien à son utilisation.





En haut : Scaphé grec. Au centre : principe du scaphé grec. En bas : Scaphé romain

Du fond du scaphé grec s'élève un style droit en direction du zénith du lieu. Il est souvent terminé par une boule. A l'intérieur de la sphère, côté nord, les grecs gravaient trois lignes parallèles représentant les deux solstices (2 lignes) et les deux équinoxes (1 ligne). Puis les heures étaient matérialisées par 11 lignes plus les deux bords du scaphé qui vont découper la demi-sphère en 12 tranches.

Comme, bien entendu, l'ombre de la boule évoluera forcement entre les deux lignes extrêmes représentées par les deux solstices, on comprend pourquoi les romains se sont contentés d'une demi-sphère tronquée à la limite de ces deux lignes. Autre changement caractéristique du Scaphé romain : le style est horizontal au dessus de la ligne de midi ce qui permet d'utiliser toute son ombre comme indicateur.

Le scaphé, instruments de mesure du temps ? On peut répondre OUI à la question même s'il n'indique pas l'heure avec précision. Il permet à tout le moins de se positionner dans l'année (saisons) et la partie du jour.

Notons aussi l'invention par les Grecs Eudoxe de Cnide et Apollonios de l'Arachné, un cadran d'azimut dont les courbes horaires dessinées sur la table rappellent une toile d'araignée, d'où son nom. Cette découverte remonterait aux environs de 400 av. J.-C.

 

 

Un tournant décisif : le style polaire

Reprenons notre bâton du début mais, cette fois, au lieu de le planter verticalement, faisons le pointer vers l'étoile polaire. Il est donc parallèle à l'axe de la terre ou ligne des pôles. Que se passe-t-il avec l'ombre portée ?



Avec un style polaire, l'ombre du bâton est toujours au même endroit à midi (image du haut) , comme aux autres heures du jour (image du bas)



Cette fois, l'ombre de notre bâton, si elle toujours variable en longueur, est toujours à la même position quel que soit le jour de l'année.

Pourquoi ?

 

 

 

Parce que, cette fois, nous sommes dans un système de coordonnées horaires.
L'équateur céleste est tout simplement le plan de l'équateur terrestre prolongé par le pensée.

La perpendiculaire en O à ce plan constitue la ligne des pôles PP'. Le plan formé par cette ligne et la ligne ZN (verticale du lieu) constitue le plan du méridien du lieu O.
Le demi-plan PSP' qui passe par la ligne des pôles et S est appelé cercle horaire de S. Il coupe l'équateur en S'

L'arc ES' (ou angle EOS') est l'angle horaire de S
L'arc SS' (ou angle SOS') est la déclinaison de S

Le cadran à style solaire mesure l'angle horaire qui ne dépend pas de la date.



Nous n'allons pas voir par le détail tous les types de cadrans à style vertical possibles. Cette partie de la gnomonique sort du cadre de notre étude.

Il suffit que nous sortions de chez nous pour nous rendre dans les villes et villages proches et ce serait bien une malchance si nous ne découvrions pas, sur la façade d'une maison ancienne ou d'une église un cadran à style polaire. Ce sont, en effet, les plus nombreux. Attention quand même à ne pas les confondre avec des cadrans canoniaux (voir plus loin).

De quand datent les premiers cadrans à style polaire ?

Difficile de répondre avec précision. Le polos était-il un scaphé à style polaire comme son nom semble l'indiquer ? Certains le pensent mais nous n'en avons aucune certitude.

A défaut, nous allons faire remonter le style polaire à 300 av. J.-C. qui correspond à l'âge d'un cadran grec à style polaire découvert en 1975 en Afghanistan. Cette date correspondrait avec celle des expéditions d'Alexandre le Grand.

On ne les voit apparaître que beaucoup plus tard en Europe puisque le plus ancien date seulement de 1477. Il se trouve sur un cloître à Alpirsbach en Forêt noire.

 

Le plus ancien connu en France est celui de la cathédrale de Strasbourg et daterait de 1493.



réplique du cadran solaire d'Alpirsbach.



cadran à style polaire de la cathédrale de Strasbourg. L'avant-bras gauche du personnage reposant sur le dessus de la table du cadran tient (tenait) le style dans sa main.

Les plus "purs" des cadrans solaires à style polaire sont le cadran horizontal et le cadran vertical méridional (appelé encore "plein sud")

Sans entrer dans le détail, sachons que :

- le cadran horizontal se caractérise, comme son nom l'indique, par une table horizontale. Son style, parallèle à l'axe des pôles, est positionné sur la ligne de midi. Les lignes horaires de gauche sont symétriques de celles de droite. Pour notre hémisphère, les heures du matin sont à droite et celles de l'après-midi à gauche. Il peut donner l'heure du lever au coucher du soleil.

- le cadran vertical se caractérise, comme son nom l'indique, par une table verticale placée face au sud. Son style, parallèle à l'axe des pôles, est positionné sur la ligne de midi. Cette dernière est toujours verticale. Pour notre hémisphère, les heures du matin sont à gauche et celles de l'après-midi à droite. Il ne peut indiquer l'heure que de 6h à 18h.

Comme tous les murs ne sont pas forcement plein sud, on va voir apparaître de nombreuses variantes pour "rattraper" cette position du mur par rapport au plein sud :

- Cadran déclinant vers le sud-est ou le sud-ouest
- Cadran septentrional ou "plein nord"
- Cadran déclinant nord-est, nord-ouest
- et d'autres : pour en savoir plus je vous invite à vous rendre sur l'excellent site de Philippe LANGLET qui, vous le constaterez en lisant son "je me présente", sait de quoi il parle. C'est ici.

Et d'autres suivirent

L'histoire des cadrans solaires ne se termine pas avec le style polaire puisqu'elle se poursuit encore aujourd'hui. D'autres types suivirent que nous n'étudieront pas parce qu'entre-temps d'autres instruments arrivèrent.

Avec le cadran solaire à style polaire, nous tenons un véritable instrument de mesure du temps dont la précision n'est limitée que par le compromis qu'il faut faire avec une lecture aisée. Rien n'empêcherait, sinon, de graver les minutes.

Trop précis, notre cadran à style polaire ? Peut-être, puisqu'il existe une différence entre le temps vrai local qu'il donne et le temps moyen que nous recherchons dans la continuité. L'analemme va nous permettre d'apporter les corrections nécessaires. Voir à ce sujet la page sur les échelles du temps.

Avant d'en terminer avec cette page par l'étude des taches, nous allons, pour le plaisir, étudier un cadran marqueur d'événements, le cadran canonial. Puis nous essayerons de dresser une chronologie de l'apparition des différents instruments que nous avons étudiés.

Un marqueur d'événements : la cadran canonial

Ce cadran remonterait aux Égyptiens vers 300 av. J.-C. En Chine, ce serait vers 1 100 av. J.-C.

Autant le dire tout de suite, c'est un cadran à style droit. Mais alors, allez-vous dire, pourquoi en parler ? D'abord, comme je l'ai dit, pour le fun. Ensuite, parce qu'il a rythmé la vie de certains de nos ancêtres pendant près de 1 500 ans.

Son rôle est essentiellement de marquer les moments des prières au cours de la journée. On le trouve donc essentiellement sur les murs de couvents, des églises ou des cathédrales.

Inutile de dire que ces "moments" de prière, du fait du style droit, étaient décalés dans la journée mais peu importe. Comme a dit quelqu'un dans d'autres occasions "l'essentiel est de participer"...

Pourquoi canonial ? Tout simplement parce que, au IX ème siècle, l'office divin était fixé à 8 moments d'oraison et composé de prières définies par des canons (des règles).

Elles sont d'abord fixées au nombre de cinq par Benoît de Nursie vers 530 : Matines (lever du soleil), Tierce (milieu de la matinée), Sexte (midi), None (milieu de l'après-midi), Vêpres (coucher du soleil).

Ensuite, elles passent à huit : Matines, Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres, Complies.

Et maintenant, observons quelques cadrans canoniaux.

Cadran canonial gravé sur un mur sud de l'église de Notre-Dame-de-Porporières à Mérindol-les-Oliviers dans la Drôme. Il est pompeusement qualifié d'horloge par l'inscription qui le surmonte : OROLOGII et date du XII ème ou XIII ème siècle.

 

Sa taille est de 70 centimètres

Il aurait été sculpté entre 1225 et 1235.

On peut distinguer sur le cadran canonial
lui-même sept lignes horaires.

Copie (à gauche) et original (à droite) de l'Adolescent au cadran
de la cathédrale de Strasbourg.

 

Cadran canonial de localisation inconnue.

Les heures des prières sont marquées d'un tiret

 

Chronologie de l'apparition des instruments de mesure



LES INSTRUMENTS D'OBSERVATION DES TACHES

Le scaphé à œilleton

On peut voir au musée du Louvre un scaphé d'une conception différente de celle que nous avons vues plus haut. Il s'agit du scaphé romain, d'un diamètre de 73 cm, datant du Ier ou II ème siècle de notre ère.

Sa différence avec les autres scaphés est qu'il ne comporte pas de style. Celui-çi est remplacé par un œilleton par lequel pénètrent les rayons du soleil qui créent une tache claire au fond de l'instrument. A l'origine, la taille de cette tache était certainement réduite par une plaque de bronze trouée.


        

 

 

Sur la photo de gauche, on peut voir le scaphé presque en position "de travail". Sur sa partie supérieure, on peut distinguer en partie le trou par lequel pénètre la lumière.
Sur la photo centrale, on voit l'intérieur du scaphé qui, pour être dans sa vraie position doit reposer sur la partie plane qu'on voit en bas. Le trou qu'on voit sur cette partie devait certainement servir à fixer une tige de soutien verticale. En haut, l'orifice par laquelle pénètre la lumière et, en bas sur la gauche, la tache de lumière projetée par le soleil à travers cette orifice. Au fond, on distingue les traditionnelles lignes horaires et les cercles représentant les différentes déclinaisons du soleil. Cette partie est agrandie sur la photo de droite pour mieux apercevoir les tracés.

L'anneau astronomique

Nous allons terminer cette étude sur les instruments de mesure du temps version cadrans solaires par celui que, pour ma part, je considère comme le plus séduisant à bien d'un titre : pureté des formes, longue histoire, qualité de fabrication et gravure, matériaux employés (cuivre, laiton, argent, or) et enfin par sa représentation parfaite de ce que nous avons vu plus haut, les coordonnées horaires.

Cet instrument, c'est l'anneau astronomique, devenu plus tard anneau équinoxial.

Son histoire commence avec le plus grand astronome de l'Antiquité, Hipparque de Nicée (ou Hipparque de Rhodes, premier quart du II ème siècle-après 127 avant J.-C.).


        

 

Vers 150 av. J.-C. il invente la sphère armillaire, instrument qui ressemble à celui que nous voyons ci-dessus à gauche. Mais la sienne atteint deux à trois mètres de diamètre. Elle est composée d'un assemblage de cinq anneaux (les armilles). Les deux premiers : l’écliptique et le méridien contenant les solstices (colure), se coupent à angle droit. Deux cercles mobiles autour de l’axe perpendiculaire au centre de l’écliptique sont reliés au colure (l’un à l’extérieur, l’autre à l’intérieur). Ces quatre anneaux portent la graduation babylonienne, introduite en Grèce par Hipparque : 360 degrés, chacun d’eux étant subdivisé, compte tenu du système sexagésimal mésopotamien, en 60H de 60J. Un cinquième anneau, enfin, portant deux pinnules (voir image de droite) aux extrémités de son diamètre, s’inscrit dans le cercle intérieur au colure et pivote dans son plan. Un cadre soutient l’ensemble du montage qui tourne sur deux chevilles latérales, celles-ci perçant l’anneau du colure aux pôles célestes. Le système permet de mesurer les coordonnées écliptiques des astres : longitudes célestes des astres, obtenues par le déplacement des anneaux reliés au colure ; latitudes, par visées au moyen de l’anneau-alidade. C'est plus un instrument d'observation qu'un instrument de mesure du temps mais le ver est dans le fruit.

Il y reste jusqu'au XV ème siècle où un autre astronome, Allemand cette fois, Johannes Müller, dit Regiomontanus (1436-1476) décrit en 1471 une sphère armillaire équatoriale (annulus sphaericus) composée de trois anneaux. Un dernier astronome, le Hollandais Gemma Frisius (1508-1555), en 1534, publie son Usus annuli astronomici qui fixe les normes de fabrication de l'anneau astronomique.

D'abord à trois anneaux (représentant de l'extérieur vers l'intérieur : méridien, équateur, déclinaison) les anneaux astronomiques vont, pour des facilités de conception, devenir anneaux équinoxiaux avec deux anneaux (méridien, équateur) et règle graduée (axe du monde).


    

L'anneau du haut, conçu par Paul d’Albert de Luynes et fabriqué par Jacques-Nicolas Baradelle pour son Éminence Monseigneur le Cardinal de Luynes, Archevêque de Sens vers 1760-1774 est une petite merveille du genre.

On ne manque pas de remarquer la similitude entre la photo et le dessin en ce qui concerne les armilles (anneaux) et les cercles.

Celui du bas, Anneau équinoxial, ne comporte que deux anneaux, l'anneau des déclinaisons ayant été remplacé par une règle graduée.
On peut voir, au centre de la règle un curseur mobile comportant, au centre, une ouverture par laquelle pénètre la lumière du soleil.


 

Le fonctionnement de ces anneaux est, théoriquement simple. L'instrument est suspendu verticalement par un crochet ou un anneau (bélière) après que la latitude du lieu ait été réglée en faisant glisser l'anneau extérieur gravé en degrés dans la bélière.

L'anneau intérieur est positionné parallèlement à l'équateur (voir figure de droite). Cet anneau comporte des graduations horaires.

La règle centrale comporte des graduations correspondant aux jours des mois. Elle doit être orientée Nord Sud. On distingue d'ailleurs sur la photo du bas les lettres N et S.

Il suffit maintenant tourner l'instrument sur lui-même de façon à ce que la lumière du soleil pénètre par l'orifice du curseur et vienne frapper le cercle équatorial sur lequel on peut lire l'heure.... sauf midi parce qu'à ce moment la lumière du soleil frappera la partie externe de l'anneau équatorial qui l'empêchera de pénétrer par le trou du curseur. On verra donc tout simplement l'ombre de l'anneau sur l'œilleton du curseur.

Comme maintenir l'instrument dans la bonne position était délicat, des anneaux sur piétement furent conçus.

 

CLIN D'ŒIL : DE LA CHINE À LA LUNE



On trouve le gnomon aussi bien en Chine dès
2 600 av. J.-C.

 

 

que sur la lune lors de la mission Apollo XVII pour déterminer la position des échantillons et calibrer les instruments. On distingue une charte photographique sur le bras gauche.

 

 

 


 

 

 

Les instruments de mesure du temps - Partie III

Découpage de cette étude

1 : Instruments d'avant l'écriture.
2 :
Instruments d'observation des ombres.
3 :
Instruments d'observation des astres.
4 :
Instruments avec écoulement ou combustion.
5 :
horloges et instruments modernes. 

LES INSTRUMENTS D'OBSERVATION DES ASTRES

LE NORTURLABE

Nous avons vu, sur la page précédente, qu'on peut mesurer le temps, et plus particulièrement les moments de la journée, avec des cadrans solaires ou assimilés. Voilà donc le problème de la journée réglé. Mais, comment mesurer les heures la nuit en observant les astres ?

Bien entendu, le soleil s'est couché et la lune ne va pas pouvoir nous servir puisqu'il lui arrive régulièrement de ne plus être visible (nouvelle lune) ou seulement partiellement. Son éclat est donc souvent tel qu'il lui est difficile de projeter des ombres.

Que nous reste-t-il dans le ciel, la nuit, à part les étoiles ? Le problème est que si, du fait des mouvements de le terre, elles donnent l'impression de se déplacer, ce n'est pas autour de la Terre. Heureusement, elles le font autour d'un point fixe et, qui plus est, autour d'une étoile repérable qui est l'étoile polaire.

Du fait des mouvements de la Terre, les étoiles donnent l'impression de tourner autour d'un point fixe.

Ce point fixe est l'étoile polaire. Chaque étoile effectue un tour complet autour de l'étoile polaire en 24 heures.



Un point fixe et un mouvement régulier d'étoiles. Voilà qu'il n'en a pas fallu plus pour imaginer et construire un instrument de mesure qui garde encore pas mal de mystères : le nocturlabe.



nocturlabe en bois (environ 1700).

nocturlabe en laiton (époque ??)



Mystérieux parce que, si on sait qu'il a traversé tout le Moyen Âge, on est loin de connaître l'époque exacte de sa naissance (début du IX ème siècle ?) et encore moins le nom de son inventeur.

Mystérieux aussi parce qu'on est loin d'avoir percé toutes les subtilités de son utilisation.

Il se compose de deux ou trois plaques circulaires. La plus grande comporte une poignée qui permet de le tenir verticalement. On peut y lire les gravures du nom des mois et, quelquefois, les signes du zodiaque. La plus petite compte 24 dents qui correspondent aux heures. L'une de ces dents est plus grande et correspond à minuit.

On plaçait la temps de minuit face au jour du mois de l'observation, et, en tenant l'instrument à bout de bras, on visait l'étoile polaire au travers du trou central. Il suffisait alors de déplacer l'alidade (le grand "manche" qui dépasse sur les photos) jusqu'à ce qu'elle semble venir toucher une étoile prise comme référence. Il suffisait alors de lire l'heure sur la plaque centrale à l'endroit où s'était positionnée l'alidade.

Quelle était l'étoile de référence ? C'était bien entendu une étoile qui est visible tout au long de la nuit et de l'année. Proche de l'étoile polaire compte-tenu de la longueur limitée de l'adidade. Partant de là, certains disent que c'est une étoile de la Petite Ourse. D'autres pensent aux deux "gardes" de la Grande Ourse.



Quelle était l'étoile de référence sur laquelle était positionné l'alidade ?

Une étoile de la Petite Ourse (? sur l'image de gauche) ou les Gardes de la Grande Ourse ?

Ce serait la seconde hypothèse que serait la bonne si on en croit une dessin d'Apianus (1539) montrant l'utilisation de l'instrument.

Rien n'empêche de penser que cette référence peut changer selon les nocturlabes.



Notons pour en terminer avec le nocturlabe que l'heure mesurée était l'heure sidérale (voir page astronomie) plus courte que l'heure solaire moyenne.

L'ASTROLABE

Le deuxième instrument de visée que nous allons maintenant étudier est beaucoup plus connu que le nocturlabe de part le succès qu'il a eu en Grèce et, surtout, dans les pays musulmans.

Ses possibilités sont telles qu'on peut l'utiliser aussi bien dans la mesure du temps diurne que nocturne. Il est donc capable de remplir les fonctions de cadran solaire et de nocturlabe. Fut-il réellement utilisé comme instrument de mesure instantané des heures, c'est une autre histoire.

Et puisque nous parlons d'histoire, nous allons essayer de le suivre de son origine à sa disparition prévisible du fait de l'arrivée d'autres instruments.

Mais, avant cette histoire, donnons-nous le temps de jeter un coup d'œil rapide sur cet instrument pour voir à quoi il peut ressembler.


Astrolabe français du XV ème siècle.
(partie recto à gauche, partie verso à droite)
16 cm de diamètre.

(Chicago - Musée astronomique Adler).

Fabriqué par Jean Fusoris (1365-1436) d'abord constructeur d'instruments scientifiques puis Chanoine de Reims en 1404 et de Paris en 1411. Auteur de plusieurs traités sur l'instrument.



Petite histoire de l'astrolabe

Comme nous le verrons quand nous examinerons de près l'instrument, son principe est fondé sur la projection stéréographique.

Encore une fois donc (voir page précédente) , nous allons évoquer le nom d'Hipparque (seconde moitié du II ème siècle av. J.-C.) puisque c'est à lui qu'on doit ce principe. En revanche, malgré ce qu'on peut lire ici ou là, il n'a pas inventé l'astrolabe.

Il faut attendre Claude Ptolémée (II ème siècle apr. J.-C.) pour voir naître un instrument horoscopique (astralobon organon), voisin lointain de l'astrolabe quant à son principe mais sans rapport avec l'astrolabe planisphérique.

Le mot astrolabe vient du grec astrolabos qui signifie preneur d'étoiles. Qui a inventé ce mot ? Mystère ? Le plus ancien traité concernant l'astrolabe est dû à Jean Philopon (entre 475 et 480-apr. 565), grammairien et philosophe chrétien , né à Alexandrie (Égypte).

De Grèce, il va être transmis aux pays musulmans au VIII ème siècle où il va faire un "tabac", certainement grâce à ses possibilités de pouvoir déterminer les heures inégales et donc les heures des prières et, avec quelques modifications, donner la direction de La Mecque. Souvenons nous que l'heure illégale correspond à la douzième partie de la durée du jour c'est à dire, pour simplifier, de la partie de la journée pendant laquelle le soleil brille (jour clair) qui varie donc au cours de l'année.

Il va parvenir en Europe occidentale via l'Espagne grâce à un certain Gerbert qui, un peu avant 999, va écrire un Livre de l'astrolabe à partir de traductions de traités arabes (où l'astrolabe porte le nom de walzagora ou planisphère de Ptolémée) venus d'Espagne. Notons au passage que ce Gerbert deviendra Pape en 999 sous le nom de Sylvestre II.

En Orient comme en Occident, c'est aux XVI ème et XVII ème siècles que l'astrolabe va atteindre ses sommets de perfection et d'utilisation. Un astrolabe universel (nous verrons plus loin que l'astrolabe "classique" ne l'est pas) voit le jour au XVI ème siècle construit par Gemma Frisius (1508-1555) mais décrit beaucoup plus tôt par al-Zarqalluh de Tolède au XI ème siècle. Après un passage par l'horloge astrolabique, il va décliner au XVIII ème siècle en Occident avec une précision suffisante des horloges mécaniques. En revanche, il va prospérer encore dans les pays musulmans presque jusqu'au XX ème siècle, à la Mosquée de Fez pour ne citer qu'elle.

 

Description de l'astrolabe

Encore une fois, mille excuses à ceux qui penseraient trouver sur cette page un guide de construction de l'instrument. Notre but n'est pas là mais de vérifier qu'il s'agit bien d'un instrument de mesure du temps. Sa description, succincte, n'a pas d'autre objet que de comprendre son fonctionnement dans le cadre de notre étude.

Comme nous allons l'utiliser à deux reprises, voyons un peu ce qu'est la projection stéréographique.

Sur l'image de gauche, imaginons une sphère coupée en son équateur par un plan P. Par projection stéréographique le point A sur la sphère a pour image le point a à l'intersection entre la droite SA et le plan P.

On peut voir sur l'image de droite représentant une coupe transversale de notre sphère au niveau des pôles N et S et perpendiculaire à l'équateur. On y remarque que chaque point du cercle (disons le méridien) peut avoir une projection stéréographique sauf le point S. Bien entendu, j'emploie les mots pôles, méridien, équateur au hasard et sans arrière-pensée.... quoique...

Facile, la projection stéréographique, non ? C'est toujours facile quand d'autres l'ont inventée et qu'on ne parle pas de la mesure des angles.

La projection stéréographique a le double avantage de conserver les angles (deux courbes qui ont un angle sur S ont le même angle sur P) et de faire qu'un cercle sur S a pour image un cercle sur P.


 

Eclaté de l'astrolabe

- A défaut de connaissance de l'écrou, un axe et une cheville qui vont maintenir l'ensemble de l'instrument fermé.

L'alidade, système de visée souvent munie de deux pinnules.

- La mère (umm dans les astrolabes arabes), partie creusée dont le bord constitue le limbe et la partie creuse qui peut recevoir plusieurs Tympans. L'instrument est suspendu par un anneau (Trône de Dieu ou kursi en arabe).

- Différents tympans amovibles.

- L'araignée (ankabut en arabe)

- Une règle-Index (Ostensor), pas forcement présente sur tous les astrolabes

Les présentations étant faites, regardons de plus près de quoi sont constituées les différentes pièces avant voir comment était utilisé l'instrument dans la mesure du temps.

La mère

A tout seigneur tout honneur. La mère peut être considérée comme le socle de l'instrument. C'est une plaque de métal ou de bois d'une dizaine de centimètres ou plus, légèrement creusée pour recevoir différents tympans qui devront être intervertis par l'observateur en fonction du lieu où il se trouve. Nous y reviendrons. Bien entendu, un seul tympan (le bon) sera utilisé. Selon les astrolabes (occidental ou arabe), la bordure de la mère (limbe) est gravée en degrés et/ou en heures. Ces heures sont au nombre de 24. Du haut en bas sur la partie droite pour les heures de l'après-midi et de haut en bas sur la partie droite pour les heures du matin.

L'instrument étant destiné à être utilisé verticalement pour les mesures de hauteur des astres (étoiles ou soleil), il est muni d'un anneau (trône) permettant de le suspendre.

Partie verso : cette partie servait de mémento et pouvait rappeler certaines conversions multiples (carré des ombres pour l'arpentage, heures légales, heures illégales...). En effet, nous nous en tenons à la mesure du temps mais un auteur arabe a recensé 1 761 problèmes pouvant être résolus avec l'instrument. Quoi qu'il en soit, la partie verso comprenait sur sa partie externe au moins deux échelles obligatoires et indispensables : une gravure en degrés permettant de déterminer la hauteur d'un astre à l'aide de l'alidade d'une part et un calendrier zodiacal qui donne chaque jour de l'année la position du Soleil dans le zodiaque.

L'alidade

Orientée vers un astre, l'alidade permet de viser une étoile en regardant au travers de ses deux pinnules. En ce qui concerne le Soleil, son orientation permet de faire passer la lumière au travers des deux pinnules (une seule position possible).

Le Tympan

Il n'est pas autre chose qu'un quadrillage du ciel qui va nous permettre de positionner un astre en fonction de sa position exacte dans le ciel et, partant de là, en ce qui nous concerne, de déterminer l'heure exacte.

Quels sont les éléments de ce quadrillage ?

A) D'abord, une projection stéréographique de la Terre en marquant ses cercles de lattitude traditionnels : tropique du cancer, équateur, tropique du capricorne.

A-1) Sphère terrestre : lignes des latitudes

A-2) Sphère terrestre : ligne des heures inégales



Toutes les lignes n'ont pas été dessinées. Elles sont au nombre de 11 et divisent donc cette partie du tympan en 12 secteurs. Les lignes marquent des heures inégales dans la mesure où elle divisent la partie claire de la journée en 12 heures qui n'ont pas la même longueur au cours de l'année.

B) Ensuite, une projection stéréographique de la sphère locale (voir partie 2 de cette étude) telle que la voit un observateur placé à une latitude particulière. Cette projection variant justement en fonction de la latitude nous savons maintenant pourquoi il faut changer de tympan quand on se déplace le long d'un méridien. Les tympans portent une gravure de la latitude pour laquelle ils sont conçus.

B-1) Sphère locale : lignes de hauteur ou almucantarats :



Tous ces almucantarats sont gravés en degrés. Il y a une ligne tous les 2, 3 ou 5 degrés. Les almucantarats étant situés en haut de l'astrolabe tenu verticalement, on remarquera que les points cardinaux sont inversés : sud en haut, nord en bas, est à gauche et ouest à droite. Tous les almucantarats sont des cercles comme le prévoit la projection stéréographique mais certains sont tronqués du fait des dimensions limitées du tympan.

B-2) Sphère locale : lignes d'égal azimut


Récapitulons tous ces tracés sur un même dessin de la mère et du tympan.



Comme on peut le voir en bas, ce tympan a été calculé pour une latitude de 48°50'. Je vous laisse deviner à quelle ville elle correspond. En rouge apparaissent les données locales alors que les autres sont en bleu. Ici, le limbe est gradué en heures.

L'Araignée

Voyons de près à quoi elle ressemble


Deux types d'araignées.

L'araignée est mobile par rapport à la mère et au tympan en tournant autour de l'axe central.

 

L'araignée, elle aussi, représente deux projections stéréographiques. Eh oui, encore.

1) D'abord une projection stéréographique de la voûte céleste avec la position d'étoiles connues. Comme les matériaux transparents n'étaient pas connus à l'époque de la fabrication des astrolables il fallut trouver une autre solution. Cette solution c'est cette grille de métal ajourée où chaque pointe correspond à la position d'un astre. Comme cette position varie au cours de l'année, l'araignée peut tourner autour de l'axe central pour positionner les étoiles correctement sur leurs coordonnées données par le tympan.

2) Ensuite une projection stéréographique de l'écliptique (trajet du soleil). C'est ce cercle excentré par rapport à l'axe central et qui est gravé des positions du Soleil dans le zodiaque.

On trouve en haut de l'araignée un picot qui dépasse (voir photos) et qui pointe sur le limbe la position du point vernal (endroit sur l'écliptique où se trouve le Soleil le jour de l'équinoxe de printemps).

Astrolabe et mesure du temps

Nous avons vu que l'astrolable peut être utilisé dans de multiples circonstances. En ce qui nous concerne, regardons rapidement comment il peut mesure le temps, en l'occurrence les heures.

Nous avons vu dans la partie II de cette étude qu'azimut et hauteur varient tous deux en permanence en dépendant de la latitude du lieu, de la déclinaison du soleil (date) et de l'heure. Nous avons donc trois paramètres : hauteur, jour, heure. Si nous connaissons deux de ces paramètres nous pouvons trouver le troisième. C'est le principe de calcul de l'heure avec un astrolabe.

Prenons un exemple : Nous voulons connaître l'heure d'un jour précis à un moment précis.

Nous allons, à l'aide de l'alidade trouver la hauteur du Soleil à ce moment précis. Nous connaissons le jour soit grâce à une table de conversion date-zodiaque soit directement. Repérons ce jour sur le cercle écliptique de l'araignée et, en la tournant, positionnons ce repère sur l'almucantarat correspondant à la hauteur du Soleil trouvée dans la première étape. Alignons maintenant l'ostensoir sur le jour et lisons l'heure directement sur le limbe. Facile, non ?

Sans ostensoir (astrolabes arabes) , il fallait passer par une étape intermédiaire qui était une mesure à partir de l'index de l'araignée.

Quant aux heures de nuit, le principe était le même en utilisant une étoile connue sur l'araignée de l'astrolable au lieu du Soleil.

 

Alors, astrolabe mesureur de temps ? Certainement. Et même plus... arpenteur, boussole, indicateur de l'heure des prières, indicateur de direction de La Mecque et bien d'autres. Mais c'est une autre histoire.

 

 


 

 

 

Les instruments de mesure du temps - Partie IV

Découpage de cette étude

1 : Instruments d'avant l'écriture.
2 :
Instruments d'observation des ombres.
3 :
Instruments d'observation des astres.
4 :
Instruments avec écoulement ou combustion.
5 :
horloges et instruments modernes. 

LES INSTRUMENTS AVEC ÉCOULEMENT

Après avoir beaucoup regardé le ciel dans les pages précédentes, nous allons, dans celle-ci et la suivante, nous intéresser plus particulièrement aux ressources terrestres.

CLEPSYDRES ET HORLOGES A EAU

Avant d'examiner l'évolution des clepsydres puis des horloges à eau dans le temps, il convient de nous poser quelques questions préliminaires et d'ordre général :

Quelle est l'étymologie du nom ? Il vient de deux termes grecs "Kleptein" qui signifie voler et de" Udor" qui signifie eau. La clepsydre est donc un "voleur d'eau". Le principe des premières clepsydres consistant à faire couler de l'eau au travers d'un petit orifice d'un récipient dans un autre, on peut supposer que le récipient qui reçoit l'eau la vole au premier. Notons au passage qu'on retrouve la racine KLEPT dans Clepsydre mais aussi dans.. Cleptomanie, cette impulsion qui pousse certaines personnes à s'emparer des choses qui ne leur appartiennent pas.


Le principe de la clepsydre est simple : l'eau s'écoule d'un récipient dans un autre qui "vole" son eau au premier. Puis, on mesure l'eau perdue du premier ou l'eau reçue par le second et on convertit en mesure du temps écoulé.

Nous allons voir que ce n'est pas si simple que prévu.

La première clepsydre, quand, où et combien de temps ? Selon les sources, les dates d'invention de la clepsydre vont de 3 000 ans av. J.-C. à 1 500 ans av. J.-C. Ce qui est certain, c'est que la plus ancienne actuellement a été découverte en 1904 dans les ruines de Thèbes (Temple d'Amon à Karnak) et remonterait à Aménophis III ( XIII ème siècle av. J.-C.) pour lequel elle aurait été fabriquée. Il est fort probable qu'elle ne fut pas la première et que son origine est plus ancienne. Sa disparition est légèrement postérieure au XVIII ème siècle où on utilisait encore des clepsydres à tambour.



Toute l'histoire de la clepsydre en deux images :

la clepsydre découverte à Karnak datée du XIII ème siècle av. J.-C.
(Musée du Caire)

clepsydre à tambour du XVIII ème siècle. (Musée de Besançon)


La clepsydre, instrument digne d'intérêt ? Certes oui. Et pourtant on est bien obligé de constater le peu d'études menées à son sujet. Dommage. Comme on va le voir, la clepsydre contient en elle les prémices de l'horlogerie mécanique.

La clepsydre, instrument de mesure du temps ? Question fatidique pour nous. Si la réponse est OUI, on continue. Sinon, on passe à autre chose.

Si l'on entend par mesure du temps le fait de pouvoir déterminer l'heure par soi-même, la réponse est NON. Ce n'est ni un astrolabe, ni un cadran solaire.

La clepsydre est, tout au plus, ce qu'on peut appeler un garde-temps pour une période plus où moins longue mais pas de retrouver ce temps si son mouvement s'est arrêté. Notons au passage que nos montres sophistiquées ne font pas mieux. Et, puisqu'on parle de montre, si on compare cette dernière au cadran solaire, la clepsydre serait plutôt un chronomètre dont le but est de commencer souvent à zéro et de compter des temps assez courts.

C'est bien connu, les Grecs et les Romains, dans la période antique, ne cessaient de palabrer. Surtout dans les assemblées, qu'elles soient politiques ou judiciaires. Ne nous posons pas la question de savoir si les choses ont beaucoup changé... et pas seulement en Grèce ou en Italie...

Relisons donc un passage de la Constitution d'Athènes d'Aristote pour revenir à notre sujet : "Il y a au tribunal des clepsydres munies de tuyaux pour l'écoulement. On y verse l'eau dont la mesure détermine la durée des plaidoiries. Sont accordées dix conges (une conge = 3 litres 24) aux affaires au-dessus de cinq mille drachmes et deux pour la réplique [...]. S'il s'agit d'un procès qui dure toute la journée divisée en plusieurs parties, le juge préposé à l'eau ne ferme pas le tuyau ; mais la même quantité d'eau est attribuée à l'accusation et à la défense. La mesure du jour est calculée d'après les jours du mois de Poséidon (décembre-janvier , où les jours sont les plus courts)."

Nous reviendrons sur ce texte pour nous souvenir d'une chose qui va poser problème dans la conception des clepsydres.

Je vais aussi ouvrir une parenthèse pour lancer un appel aux étymologistes pour qu'ils me disent l'origine de conge dont parle Aristote et si le mot a un rapport avec notre congé moderne.

Pour répondre à la question, répondons que OUI, la clepsydre est un instrument de mesure du temps et continuons notre étude pour suivre son évolution à travers les siècles.

La clepsydre et son évolution :

L'évolution des clepsydres, puis des horloges à eau, tient essentiellement à deux choses :

- Pendant quelques siècles, il faudra maîtriser le fait que les heures mesurées sont des heures inégales (voir le texte sur l'Astrolabe) et qu'il faudra graver les marqueurs de niveau d'eau en tenant compte de la position du jour dans l'année.

- Aux lois qui régissent l'écoulement de l'eau. En effet, sans entrer dans le détail des lois de l'hydraulique, le débit de l'eau dans un instrument comme nous en avons vu un plus haut (les deux récipients) n'est pas constant. Il dépend de la viscosité de l'eau liée à la température, de la taille de l'orifice de sortie qui peut s'élargir par usure ou se rétrécir par encrassement, de la variation du niveau de l'eau dans le récipient de départ.

Nous ne parlerons pas ici de modifications purement esthétiques qui voient naître des horloges hydrauliques à automates. Les arabes sont passés maîtres dans la conception de telles horloges qui peuvent atteindre des dimensions volumineuses comme, par exemple, l'horloge monumentale de Fez au Maroc. Citons tout de même le nom du maître en la matière, alJazari (mort en 1206) . Notons aussi qu'une horloge hydraulique fut offerte en 807 à Charlemagne par l'ambassadeur du calife Haroun el Rachid.

Regardons pour le plaisir deux de ces horloges monumentales.



, la Tour des Vents,construite au II ème siècle av. J.-C. sur l'Agora Romaine à Athènes. Ce bâtiment en marbre fut construit par l'astronome Andronikos Kyrrestes et nommée ainsi de part les 8 frises supérieures qui représentent les vents dominants. On voit ici le côté horloge à eau avec un réservoir à la base.

une Miniature du Traité des Automates de alJazari. (Musée of Fine Arts, Boston).On y distingue le cercle du zodiaque,le Soleil, la Lune, 12 ouvertures qui s’éclairent la nuit.
2 oiseaux laissent tomber une boule
À 6h, 9h, 12h les automates musiciens jouent.


Et maintenant, revenons à nos problèmes de débit d'eau.

On ne peut pas faire grand chose pour remédier au problème de la viscosité. Pour la taille de l'orifice des matériaux nobles ou des pierres précieuses creusées ont été employées pour éviter que la taille de l'orifice ne se modifie.

Il nous reste le problème majeur de la hauteur d'eau dans le récipient "émetteur" qui fait varier grandement le débit.

Une première solution fut trouvée par les Égyptiens et les Grecs. Au lieu d'utiliser des récipients de forme cylindrique, ils utilisèrent des récipients évasés. Ils purent ainsi graver à l'intérieur d'un des récipients des traits d'égale distance. Bien entendu, il y avait plusieurs colonnes de traits pour tenir compte des longueurs de jour et de nuit différentes (résultat de la division du jour et/ou de la nuit en heures inégales). Et pourtant, la forme des récipients n'était pas idéale.


 

 

Bien qu'optimisées quant à leur forme, les clepsydres Égyptiennes ou Grecques (à gauche) n'avaient pas la forme idéale (à droite) telle qu'on peut la connaître en appliquant les théorèmes de Daniel Bernoulli (Suisse, 1700-1782) d'une génération d'illustres mathématiciens.

Il fallut attendre des inventeurs de génie pour régler le double problème de l'écoulement de l'eau et des heures inégales. L'un d'eux fut Ktésibios, contemporain d'Archimède, qui vivait à Alexandrie au IIIe siècle avant notre ère. Finie la clepsydre, on peut maintenant parler d'horloges à eau. On peut aussi citer Philon de Byzance (230 av. J.-C.) et Héron d’Alexandrie (125 av. J.-C) .Les horloges qu'ils inventèrent étaient de véritables œuvres d'art mêlant la recherche hydraulique et l'art des automates.

Pour ma part, et à défaut de preuves, je me contente de dire qu'ils inventèrent et non pas qu'ils fabriquèrent.

Nous allons nous contenter de voir ce qu'il est est de l'horloge à eau de Ktésibios au travers des textes de Vitruve, architecte romain du Ier siècle av. J.-C. (qui a produit un énorme ouvrage en 10 volumes De architectura) et de ceux de Rees qui a écrivit en 1819 un livre Clocks, Watches and Chronometers duquel pas mal de croquis de cette page sont extraits.

 

 

 

 

 

L'horloge de Ktésibios

Voyons à quoi ressemble cette horloge telle qu'elle est dessinée par Vitruve



Par un ingénieux double système de rotation de colonne (en haut sur la figure I de droite) et de déplacement vertical de figurine (celle qui tient une baguette à gauche de la même figure), il règle le problème des heures inégales.
Mais je laisse à Vitruve le soin de la description des mécanismes : "En premier lieu, il ménagea l'orifice d'écoulement dans un morceau d'or ou dans une gemme perforée; car ces matières ne s'usent pas au frottement de l'eau qui coule, et des saletés capables de boucher le trou ne peuvent s'y déposer. L'eau s'écoulant régulièrement par cet orifice fait monter un flotteur renversé, que les techniciens appellent " liège " ou " tambour ". Sur ce flotteur est fixée une tige en contact avec un disque tournant, tige et disque étant munis de dents égales. Ces dents, dont le mouvement se transmet de l'une à l'autre, produisent des rotations et des déplacements mesurés. De plus, d'autres tiges et d'autres roues, dentées de la même façon et mues par une même impulsion, produisent en tournant des effets et des mouvements variés[...]. En outre, dans ces horloges, les heures sont tracées soit sur une colonne, soit sur un pilastre contigu, et c'est une figurine qui, sortant du bas de la machine, les indique avec une baguette pour toute la durée du jour. En ajoutant ou en ôtant des cales chaque jour et chaque mois, on rend compte obligatoirement de la durée plus courte ou plus longue des jours. [.1.]. Ainsi, grâce à ces systèmes et à ce dispositif, on combine le montage d'horloges à eau utilisables l'hiver. Mais l'accroissement de la durée des jours en se servant de cales qu'on ajoute ou qu'on retranche - car ces cales sont très souvent défectueuses -, on devra s'arranger ainsi: on tracera les heures transversalement sur la colonnette, d'après l'analemme, et l'on gravera sur elle les lignes des mois. Cette colonne devra pouvoir pivoter de façon que, par rapport à la figurine et à la baguette - baguette que tient la figurine pour indiquer les heures en s'élevant -, elle puisse, par sa rotation régulière, rendre compte pour chacun des mois qu'elle porte de la durée, courte ou croissante, des heures..."

Mais, allez-vous me demander, et le problème du débit ? Comme chaque fois qu'il existe plusieurs versions comme c'est le cas ici, je vous les livre et vous laisse le soin de faire votre choix. Si l'un d'entre vous a des éléments complémentaires, merci à lui de me contacter.

La première version serait que Ktésibios aurait, pour régler le débit de l'eau, inventé le carburateur avant la lettre grâce à un système de cône flotteur qui obstrue l'arrivée d'eau dans un autre cône quand le niveau d'eau monte.



Une première hypothèse voudrait que Ktésibios ait régulé le débit de l'eau à l'aide d'un flotteur G qui vient obstruer momentanément l'arrivée d'eau lorsqu'elle monte trop haut dans le compartiment BCDE. Lorsque le niveau d'eau descend dans cette partie, le flotteur descend et libère l'arrivée d'eau.

L'autre version ne mentionne pas l'existence de ce flotteur régulateur mais celle de l'existence d'un système destiné à régler le débit en fonction des heures inégales. Rees précise même que ce système serait antérieur à Ktésibios.Le problème du débit aurait été réglé en maintenant constant le niveau d'eau du premier récipient à l'aide d'un trop plein. La seule innovation de l'horloge hydraulique de Ktésibios serait donc ce tambour vertical tournant sur lequel une figurine désigne l'heure exacte.

Selon la seconde version, l'eau arriverait par un tuyau H et tomberait dans un premier réservoir conique en forme d'entonnoir.

Le trop plein d'eau serait évacué par un tuyau I positionné de façon à maintenir le niveau d'eau constant dans le réservoir.

Un autre cône en métal plein serait maintenu dans le premier et pourrait être déplacé par une règle indexée D. Le fait de rapprocher un cône de l'autre aurait pour effet de diminuer le débit de l'eau et donc de limiter la quantité de liquide qui arrive dans le réservoir principal pour les jours les plus courts.

Le déplacement de l'index doit se faire deux fois par jour : une fois au lever et une autre fois au coucher du Soleil pour respecter les heures inégales.



J'ajoute, pour que vous puissiez vous faire votre opinion en toute connaissance de cause, une partie du texte de Vitruve que j'avais remplacée par un [.1.] dans son texte recopié plus haut : "Les robinets de l'eau, pour le réglage du débit, sont établis de la façon suivante: on fabrique deux cônes, l'un plein, l'autre creux, si bien façonnés au tour que l'un puisse entrer et s'ajuster dans l'autre, et qu'au moyen de la même tige on les écarte ou on les resserre pour activer ou ralentir l'écoulement de l'eau dans ces récipients".

Autres types d'horloges décrits par Vitruve

Nous allons passer rapidement sur d'autres types d'horloges que décrit Vitruve parce que, s'il font preuve d'ingéniosité dans la conception, n'apportent rien à l'évolution des instruments. Ils se contentent d'essayer de régler encore une fois le problème des heures inégales.
Différentes horloges à eau selon Vitruve :


:


Voilà la planche du livre de Vitruve qui les décrit :

En bas à droite, un instrument à deux cônes dont nous avons vu le fonctionnement dans le texte de cette étude. Le débit de l'eau est régulé pour donner les heures inégales

Au fond, une horloge anaphorique où les heures sont données sur un analemme (le cercle à droite de l'horloge) qui n'est autre qu'une projection de la sphère céleste comme sur les astrolabes. Le débit de l'eau n'est pas régulé.

A gauche, une horloge à Tympan où le passage de l'eau est régulé en tournant journellement le disque qui est en bas (normalement en position "poussée") constitué de deux plateaux d'épaisseur variable.



 

 

L'horloge de Su Song

Faisons un saut dans le temps et arrêtons nous en 1092.

C'est cette année là qu'un Chinois du nom de Su Song construit au palais impérial de Khaifeng une immense horloge dans une tour de bois de 3 étages de 3 mètres chacun. L'engin est plus une horloge astronomique qu'un instrument destiné à donner l'heure. En effet, son mouvement complexe anime une sphère armillaire et un globe céleste en parfaite synchronisation avec les mouvements des étoiles du Soleil et de la Lune. Face à la tour, dans une pagode, des personnages animés sonnent des cloches et autres objets bruyants. Bref, un automate de plus.


                         

 

Schéma de l'horloge de Su Song

Maquette de l'horloge. Britisch Museum

En 1126, l'horloge est démontée par les Tartares et emportée à Pékin. Au XIV ème siècle, elle fut détruite quand la dynastie Ming envahit Pékin.

Mais, êtes-vous en train de vous demander, en quoi cette horloge apporte-t-elle des éléments nouveaux à nos instruments de mesure du temps ?  Regardez bien la grande roue au centre de la construction. Vous êtes en train de voir le premier échappement connu. Et vous n'en verrez pas d'autre avant le XIV ème siècle.



Le système d'échappement de la machine de Su Song.

Ce mécanisme est dénommé échappement car il laisse échapper une "dent" à chaque impulsion, en l'occurrence le remplissage d'un godet. Ainsi, un écoulement continu d'eau est transformé en mouvement discontinu de la roue.

 

Nous devons maintenant rendre à César ce qui lui appartient et, en la circonstance, rendre l'invention de l'échappement, vers 723, à deux personnes. D'abord un moine bouddhiste, Yi Xing et un ingénieur chinois, Liang Ling-Tsan. Ils auraient, eux aussi, fabriqué une horloge hydraulique astronomique.

Horloges "modernes"

Pour en terminer avec cette étude des clepsydres en autres horloges à eau, penchons nous sur le mécanisme de la clepsydre à tambour du XVIII ème siècle que nous avons vue au début de la page. Pour ce faire, ouvrons le tambour et regardons le en coupe.



 

 

Coupe du tambour de l'horloge à tambour vue plus haut.

Ce tambour est fermé et c'est toujours la même quantité d'eau qui y circule. Six cloisons le garnissent et chacune d'elle est percée d'un orifice. De ce fait, l'eau contenue dans une cloison peut s'écouler sur la cloison suivante du compartiment inférieur. Lorsqu'un compartiment est plein, le poids du volume d'eau fait tourner le tambour qui s'enroule dans le sens contraire de l'enroulement des cordes qui soutiennent son axe. Le tambour descend donc vers le bas de l'horloge puis s'arrête jusqu'au prochain remplissage d'un autre compartiment. Il suffit alors de lire l'heure sur le montant de bois là où s'est arrêté l'axe du tambour. Bien entendu, nous sommes dans un système d'heure égales où la journée est divisée en 24 heures de même durée.

LE SABLIER

Nous n'allons pas passer la journée sur un instrument que tout le monde connait. Donc, juste quelques précisions :

Origine

Le sablier, dont on ne sait pas qui l'a inventé, remonte probablement au XIII ème siècle. Il fut d'abord appelé Orloge puis Reloge puis horloge à sablon avant de devenir sablier au XVIII ème siècle.


Une partie de la fresque peinte par Ambroglio Lorenzetti qui se trouve au Palazzo Publico de Sienne date de 1338.

On voit un des personnages tenir un sablier symbole de tempérance.

Caractéristiques

Rempli de sable, coquilles d'oeufs pulvérisées ou même de mercure, ce garde-temps est principalement destiné à mesurer de courtes durées (heures ou fractions d'heures) même si dans le tome premier des mémoires de mathématiques et de physique datant de 1750 un certain Abbé SOUMILLE Correspondant de l'Académie Royale des Sciences décrit un "Sablier de 30 heures, propre à servir sur mer, marquant distinctement les heures & les minutes une à une, & qui ne s'arrête pas dans le temps même qu'on le tourne".

Contrairement à la clepsydre le débit d'écoulement du sable est indépendant de sa hauteur dans la fiole. Seule, la pente de l'orifice doit être rigoureusement déterminée. En 1725, Daniel Bernoulli gagne le concours de l'académie Royale des Sciences de Paris en calculant cette pente.

Le sablier fut très utilisé dans la marine où il portait le nom d'ampoulette (d'une durée de 28 secondes). Associé au loch (corde à noeuds) , il permettait de connaître la vitesse des bateaux.

  

A gauche, un sablier datant de 1750 exposé au
National Watch and Clock Museum
(Colombia - Pennsylvanie - US).

A droite, un sablier à plusieurs fioles qui permettent de mesure des temps intermédiaires.

 

J'ai lu, je ne sais plus où, que les prêtres l'utilisèrent pour limiter la durée de leurs sermons et le baptisèrent : "verre à sermon". Lorsque le sermon durait plus que prévu, le prêtre le retournait en disant à ses ouailles : "Mes frères, nous allons prendre un autre verre". Ce n'est peut-être pas vrai mais c'est charmant.

 

 

 


LES INSTRUMENTS AVEC COMBUSTION

Là aussi, pas de quoi en faire une pendule.

Le principe est toujours le même : on connait la durée de combustion de telle ou telle matière et, avec quelques repères, on peut connaître la durée du temps écoulé.

La chandelle

Son "invention" à des fins de mesure de durées serait due à Alfred le grand (849-899) roi du Wessex (Angleterre) qui l'utilisait pour répartir les heures de travail, de prière ou de sommeil.


La lampe à huile



En usage aux XVIII ème et XIX ème siècles en Occident.

On allumait la mèche, le niveau d'huile diminuait dans le réservoir gradué et on lisait le temps écoulé sur les graduations.

A gauche, horloge à huile du XIX ème siècle. National Watch and Clock Museum.

L'horloge à feu

Utilisée depuis très longtemps en Extrême Orient.

La partie creuse d'un objet en laque à la forme de Dragon reçoit un bâton d'encens sur des supports en fil de fer. La combustion de l'encens donne l'heure.

Il peut même servir de réveil-matin si on fixe un fil muni de poids à ses extrémités en travers du Dragon. Dès que la flamme du bâton qui brûle atteint l'heure souhaitée du réveil ,elle brûle le fil et les deux poids tombent dans un réceptacle en métal qui tinte comme une cloche.



 


Autre type d'horloge à feu Chinoise : le labyrinthe à encens.

Une grille (à gauche) est posée sur un support. On remplit la partie creuse de poudre d'encens puis on l'enlève (à droite).

On allume ensuite une des extrémités du labyrinthe et, lorsque tout a brûlé, le temps prévu est écoulé.

Je suppose qu'il existait différentes grilles en fonction du temps à mesurer.

 

 


 

 

 

Les instruments de mesure du temps - Partie V

Découpage de cette étude

1 : Instruments d'avant l'écriture.
2 :
Instruments d'observation des ombres.
3 :
Instruments d'observation des astres.
4 :
Instruments avec écoulement ou combustion.
5 :
horloges et instruments modernes.Désolé pour ceux qui ont le courage de suivre cette étude depuis le début mais je vais me répéter. Et même plus sur cette page que sur les autres. Le but de notre étude est de suivre l'évolution des instruments de mesure dans ce qu'ils ont d'innovant en matière de précision. Vous ne trouverez donc sur cette page ni des images ni des références à ce qui existe dans le monde en matière d'horloges, de pendules ou de montres. Vous y trouverez encore moins des explications techniques détaillées en matière d'horlogerie. Tout au plus quelques explications simples (simplistes diront les spécialistes de l'horlogerie qui voudront bien m'excuser) suffisantes pour comprendre l'évolution des instruments. Je serais d'ailleurs bien incapable de vous expliquer ce qu'est une chaussée avec tige ou une roue de renvoi ou bien d'autres pièces... Pour le reste, je vous renvoie aux nombreux sites excellents qui existent.

DE L'HORLOGE A LA MONTRE

GÉNÉRALITÉS

Comme pour les clepsydres, posons-nous quelques questions d'ordre général avant de suivre l'évolution technique des instruments :

Quelle est l'étymologie du mot Horloge ? Un petit plongeon dans le Dictionnaire de l'Académie Française : "n. f. (autrefois masculin. On dit encore dans certaines villes le gros horloge. Le gros horloge de Rouen). XIIe siècle, oriloge, orloge, au masculin. Issu, par l'intermédiaire du latin horilogium, du grec tardif hôrologion, « ce qui indique l'heure »."

Notons au passage que le mot anglais clock vient du français cloche.

La première horloge, quand, où et par qui ? Autant le dire tout de suite, on ne sait pas qui a inventé la première horloge mécanique. C'est d'autant plus difficile de le savoir que le terme horilogium a été utilisé de façon générique et qu'il est impossible de savoir si ceux qui l'utilisent le font pour décrire une horloge mécanique, une clepsydre ou même un cadran solaire. Souvenons-nous du cadran canonial de l'église de Mérindol-les-Oliviers dans la Drôme et de son inscription OROLOGII.

On prête quelquefois à Gerbert, dont nous avons déjà parlé, l'invention de l'horloge mécanique. C'est certainement faux. On peut d'ailleurs se demander, si c'était vrai, pourquoi cette invention serait tombée dans l'oubli de la fin du X ème siècle jusqu'à la fin du XIII ème siècle.

Parce que c'est bien à la fin du XIII ème siècle que les premières horloges mécaniques apparaissent en Europe. Plus précisément en Angleterre, en 1283, au Prieuré Dunstable à Londres. D'autres virent le jour dans les années qui suivirent : Exeter (Angleterre) en 1284 ; Saint-Paul (Londres) en 1286 ; Cantorbery (Angleterre) en 1292. Et bien d'autres encore au XIV ème siècle.

Notons que l'horloge mécanique est d'origine purement occidentale. Ni la civilisation islamique ni la civilisation chinoise ne se sont engagées dans cette voie. Problème de technologie ou options différentes ( technologie hydraulique pour les chinois) ?

L'horloge, instrument de mesure du temps ? Je ne vais pas vous refaire le coup de la clepsydre. L'horloge est, bien entendu, comme le sablier ou la clepsydre un garde-temps. On peut même dire que c'est un marque-temps : peu importe la durée de l'heure, ce qu'on demande à l'horloge, c'est de donner l'heure qu'il est.

L'horloge, instrument digne d'intérêt ? Oh, que oui !! Mille fois oui !! L'apparition de l'horloge est certainement l'événement majeur et fondamental du moyen âge. Et ce, à mon avis, pour plusieurs raisons.

Certainement pas par sa précision parce que, de ce côté, les clepsydres et les cadrans solaires sont bien meilleurs. Les premières horloges mécaniques, elles, battent la breloque et il faut les remettre à l'heure... des cadrans solaires plusieurs fois par jour sous peine de les voir perdre près d'une heure par jour.

Certainement pas par sa majesté et celle de ses deux aiguilles en haut des clochers des églises, cathédrales ou beffrois. Tout simplement parce que les premières horloges sont loin d'avoir atteint les hauteurs des clochers. Elles se contentent d'occuper les couvents. Et, plus tard, les étages bas des églises. Et plus tard encore, seulement le haut des tours.
Tout simplement parce qu'elles n'ont pas encore de cadran. Qui, d'ailleurs, saurait les lire dans une population constituée à 95% de paysans ?

Au passage, pourquoi le 4 des heures des horloges est-il marqué IIII au lieu de IV ? Peut-être parce que, justement, on peut confondre IV et VI quand on a une lecture un peu...limite.

Et, quand elles auront un cadran, tout simplement parce que leur imprécision se contente largement d'une seule aiguille.

Mais alors, que faire d'une horloge sans cadran et sans aiguilles ? Tout simplement alerter, comme un réveil, un sonneur qui va prendre le relais et faire sonner les cloches (vous vous souvenez ? Clock = cloche). Plus tard, quand elle sera équipée de tous ses atours (cadran, aiguilles) et aura grimpé en haut des clochers, elle sera servie avec attention par le gouverneur d'horloge qui sera chargé de veiller sur elle comme sur la prunelle de ses yeux. Surveiller, entretenir, tenir en accord avec le soleil sera la vie quotidienne de ces personnages logés dans le clocher lui-même.

Trêve de certainement pas, voyons un peu pourquoi l'apparition de l'horloge est l'événement majeur du moyen âge.

- D'abord, parce qu'elle représente la victoire des heures égales sur les heures illégales.

Nous avons vu dans les pages précédentes que des instruments comme la clepsydre ou l'astrolobe donne des heures inégales, c'est-à-dire dont la longueur varie en fonction des saisons, 80 minutes en été, 50 minutes en hiver par exemple. Avec l'horloge, hormis les problèmes de précision, l'heure fait soixante minutes et le jour comporte 24 heures. Il n'y a plus la nuit, plus le jour mais une journée de 24 heures de 60 minutes. Point final.

- Ensuite, parce qu'elle ouvre la voie vers une laïcisation du temps.

Jusqu'au XIII ème - XIV ème siècles le temps appartient à Dieu. Et, par conséquent, c'est l'affaire des prêtres et assimilés. Par l'intermédiaire des sonneurs assistés de clepsydre ou autres cadrans solaires, ils ponctuent le temps avec les heures des prières et offices. Souvenons nous des cadrans solaires canoniques vus dans les pages précédentes de cette étude.

Lorsque l'horloge mécanique arrive, elle joue le rôle de réveil pour les sonneurs de cloches puis, au fil de temps, elle monte en haut du clocher et chacun en fait ce que bon lui semble. L'heure est enfin à tous. Et de plus, nous venons de le voir, elle est égale. Et quand l'horloge ne se contente pas de sonner les heures des prières mais aussi les heures, la laïcisation est à son apogée.

C'est alors que l'heure de tous va tendre à devenir l'heure de chacun. En simplifiant, chaque siècle constitue une étape de cette évolution. Le XVII ème siècle va la faire entrer dans la maison. Le XVIII ème siècle va la faire porter sur soi. Le XX ème siècle va la faire porter au poignet.

A partir du moyen âge, nous passerons donc au fil des siècles d'une "mainmise cléricale" à une démocratisation de l'heure.

Ne nous méprenons quand même pas, ce n'est pas l'arrivée de l'horloge à elle seule qui déclenche ce phénomène. Elle n'est que son outil. Le clergé n'était plus le seul demandeur d'heures ou de compte-temps au Moyen âge. Au fur et à mesure du développement de l'industrie ou du commerce, les besoins de points de repères spécifiques se sont manifestés que ce soit le minutage du temps de travail ou celui de certaines tâches. Si on y ajoute les besoins propres aux cours royales ou autres on comprendra que l'horloge est arrivée...à la bonne heure.

- Enfin, parce qu'elle va déboucher sur une délocalisation du temps.

Non seulement l'heure inégale est morte mais l'heure locale va y passer aussi. Je vous accorde qu'il faudra y mettre le temps puisque cela ne va se passer qu'en 1891 pour la France (voir l'étude sur les échelles du temps). L'arrivée de moyens de communication modernes comme le train posent le problème. La mécanisation des horloges y répond. Toutes les horloges de France vont être synchronisées sur la même heure, celle de Paris.



Dans le MAGASIN PITTORESQUE de 1880, on peut lire un article intitulé Unification de l'heure au moyen de l'électricité et de l'air comprimé.

En ce qui concerne les horloges pneumatiques, on peut lire "...Déjà plusieurs horloges fonctionnant par ce nouveau système, dont M. Popp, de Vienne, est l'inventeur, ont été installées à Paris...Une horloge centrale est disposée de telle sorte que toutes les fois que son balancier frappe la soixantième seconde d'une minute, il se produit un déclenchement qui livre passage à l'air comprimé dans les récipients ; celui-ci s'élance aussitôt dans les tubes du réseau, et gonfle un soufflet qui se trouve à leur extrémité. En gonflant, le soufflet soulève un petit levier qui fait tourner d'un cran une roue qui en compte soixante, et dont chacun correspond à une minute. A cette même roue est fixée la grande aiguille du cadran qui avance d'une minute...

L'installation des quinze premiers cadrans a exigé dix huit kilomètres de tuyaux, et leur établissement est tel que toutes les personnes qui habitent près du réseau de cette canalisation peuvent recevoir l'heure à domicile. Il leur suffira de faire embrancher sur le tuyau central un petit conduit qui amène chez elles l'air comprimé fourni par l'administration."

EXPLICATION SOMMAIRE DU FONCTIONNEMENT

Les horloges mécaniques comportent trois pièces essentielles :

1) Une source d'énergie (poids, ressort)

2) Des organes de transmission chargés de transmettre l'énergie et à calibrer en heures égales le temps de cette transmission.

3) Un échappement ou organe distributeur qui laisse échapper périodiquement la force motrice. Il aura aussi plus tard la fonction de restituer à l'organe régulateur (pendule) l'énergie qu'il aura perdue par amortissement.

4) Un organe régulateur ou oscillateur qui transforme le mouvement irrégulier en un mouvement régulier.

On peut aussi y ajouter éventuellement :

1) Un système d'affichage (cadran, aiguilles)

2) Un système de remontage pour renouveler la source d'énergie.

L'évolution des horloges ira dans deux directions : miniaturisation de la taille des organes et amélioration de la précision du système de régulation. Bien entendu, nous allons étudier plus particulièrement la seconde direction.

ÉVOLUTION

Le mieux, pour suivre l'évolution des instruments, est de suivre un ordre chronologique. Je vous rassure, nous n'allons pas relire encore une fois la chronologie qui figure dans le Quid et qu'on voit fleurir telle quelle sur différents sites. Dans ce cas, il suffit de faire directement un lien sur le site d'origine, non ?

Les premiers régulateurs : l'échappement à foliot.

Nous ne savons pas qui l'a inventé ni la date exacte de son apparition qu'on peut situer dans une fourchette 1270-1330.

A ce sujet, je ne résiste pas à l'envie de vous citer un passage de l'excellent livre de Gerhard Dohrn-van Rossum , l'histoire de l'heure :
"... L'apparition de l'échappement, que l'on considère aujourd'hui comme une innovation décisive ou une invention qui allait ouvrir de nouvelles voies, ne se fait absolument pas jour dans la perception de l'époque. On la décrit tout au plus comme un phénomène important mais énigmatique. En revanche, on note immédiatement l'apparition des horloges à sonnerie, considérée comme un événement technique sensationnel qui aura de grandes conséquences dans le domaine social".

Voyons un peu comment fonctionne ce système qu'on appelle aussi échappement à verge ou échappement à roue de rencontre.





A gauche, vue d'ensemble d'un mécanisme avec son foliot. A droite, détail de l'échappement à roue de rencontre.
Photos aimablement prêtées par Jean Claude Sulka dont le site mérite une visite.

Sur la photo de gauche, à droite, on peut voir la source d'énergie constituée par un poids suspendu à un câble s'enroulant autour d'un tambour. La partie gauche concerne le système de sonnerie.

Sur la photo de droite, on peut voir la partie échappement à foliot. Le foliot est une pièce en forme de T dont l'arbre vertical (verge) est surmonté d'un fléau. Une roue dentée (roue de rencontre), solidaire du tambour moteur fait tourner, par l'intermédiaire d'une palette, la verge et le fléau jusqu'à ce qu'une autre palette, qui forme avec la première un angle de 60° environ, stoppe le mouvement et inverse le sens de rotation. A chaque mouvement, le foliot laisse échapper une dent de la roue de rencontre d'où le nom d'échappement donné au mécanisme. La durée de l'oscillation du foliot peut être modifiée par déplacement sur le fléau de poids de régulation. Cette durée d'oscillation doit correspondre à une norme temporelle (minute, heure..).

Le mot foliot dérive du mot folie qui image ce mouvement incessant de va et vient qu'effectue le fléau. On rencontre pour la première fois le nom sous la plume de Jean Froissart, Poète et chroniqueur français (1337-1404), dans un poème Li Orologe amoureus datant de 1370.

Le mécanisme a foliot n'est pas l'apanage des grandes horloges comme le prouve cette montre-tambour à foliot avec mouvement entièrement en fer.
Anonyme, Allemagne du sud - vers 1540


Dans son livre, Gerhard Dohrn-van Rossum fait remarquer qu'en 1931 J. Drummond Robertson a supposé le premier que l'échappement d'horlogerie pourrait avoir été mis au point à partir d'anciennes installations de répétition des coups de cloche. En effet, le système de sonnerie fonctionne de manière identique à l'échappement que nous avons vu. Sauf que le foliot est remplacé par un levier-marteau qui vient heurter une cloche. Bien entendu, le mouvement de sonnerie est plus rapide.

Et Gerhard Dohrn-van Rossum explique comment, selon lui, a été mis au point l'échappement mécanique des horloges : dans les monastères l'usage de "réveils" était monnaie courante. Au XIII ème siècle, on découvre qu'en ralentissant l'oscillation du marteau de la cloche, en augmentant sa masse et en la rendant réglable on pouvait obtenir un mouvement d'horlogerie stable. Pourquoi pas ? Bien que côté stabilité et précision, il y avait encore des progrès à faire.

Une variante de l'échappement à foliot

C'est celui que va utiliser Giovanni Dondi et qu'il va décrire dans un ouvrage datant de 1365.



reconstitution fidèle de l'horloge planétaire (Astrarium) de Giovanni Dondi qu'on peut voir à l'observatoire de Paris. L'original n'existe plus.

le croquis du châssis inférieur d'après un manuscrit de la bibliothèque de l'Eton College, Windsor.


Sur le croquis de droite, on peut voir sur la partie supérieure que le foliot est remplacé par une roue horizontale et munie de "chevilles"; La question se pose de savoir comment ce mécanisme pouvait être réglé. Notons aussi la présence d'un cadran.

Changement de moteur

Vers 1450, le ressort d'acier va apparaître comme source d'énergie.

Ne confondons pas ce que je vais appeler le ressort-moteur avec celui que nous verrons arriver plus tard et qui concernera, lui, le système de régulation.

L'avantage du ressort sur le poids est que son plus faible encombrement permet le déplacement de l'horloge et la miniaturisation de l'ensemble de l'horloge qui peut devenir horloge d'intérieur ou montre.

En revanche, il a un inconvénient majeur par rapport au poids : il délivre une force d'énergie décroissante au fur et à mesure qu'il se détend. Du coup, les premières horloges à ressort sont encore pires en précision que les horloge à ressort.

On va donc vite voir naître deux systèmes destinés à maîtriser cette irrégularité de la force motrice. En Allemagne, ce sera le stackfreed qui ne fera pas long feu. En France, ce sera la fusée qui, elle, sera utilisée beaucoup plus longtemps.



système à stackfreed.

système à fusée. Le remplacement de la cordelette par une chaînette, en 1650, est due à l 'horloger Genevois Gruet.



- Le stackfreed utilise un second ressort qui fait pression sur une came qui se charge de maintenir constante la force motrice.

- Même but pour la fusée. On compense l'affaiblissement de la tension de la chaîne (qui fut d'abord une cordelette) en augmentant le bras de levier et en maintenant ainsi constante la force motrice grâce à la forme hyperbolique de la fusée. Ça ne vous fait pas penser au système de braquets sur les vélos ?

Notons au passage que tous les croquis font apparaître des vis comme système de fixation des pièces entre elles. En vérité, les premières horloges (au sens large du terme) étaient munies de clavettes et ce n'est qu'en 1550 environ qu'arrivent les vis.

Révolution chez les oscillateurs

C'est au XVII ème siècle que la précision des instruments va considérablement s'améliorer et passer de dérives de 15 minutes à seulement quelques secondes. Un précision telle que l'Anglais Daniel Quare (1649-1724) va enfin ajouter l'aiguille des minutes au cadran à la fin du siècle.

A moins de tomber dans le piège des techniques horlogères, notre étude sur l'évolution de la précision des horloges mécaniques sera terminée après que nous ayons vu cette "révolution chez les oscillateurs".

Tout commence en 1583 lorsque Galilée selon son premier biographe, Vincenzo Viviani, formule la loi d’isochronisme du pendule, après avoir observé le balancement d’un lustre dans la cathédrale de Pise : la durée d’une oscillation ne dépend que de la longueur du pendule et non pas de l’amplitude du mouvement.

GALILEO GALILEI (1564 - 1642)


On ne présente plus Galilée, on cherche juste à faire une biographie qui ne tienne pas des pages !!
Né à Pise, cet éminent physicien et astronome fit de nombreuses découvertes en mécanique et en astronomie. Il améliore considérablement la lunette astronomique, prend parti en faveur de la réalité du mouvement de la Terre, invente un thermomètre, la balance hydrostatique, un compas de proportion. Il établit les lois de la chute des corps. Pour ce qui nous concerne ici , il découvre les lois du pendule.


C'est en 1638 qu'il publie la théorie du pendule et charge son fils de la réalisation d'une horloge à poids et pendule qu'il a conçue. Malheureusement, ce fils meurt l'année suivante.

On voit ici le dessin fait par Galilée Fils sous la dictée de son père et d'après lequel il devait réaliser l'horloge à balancier


 

Entre alors en scène Christiaan HUYGENS 1629-1695



Christiaan HUYGENS (1629-1695)

Il est né à La Haye et c’est dans les œuvres de Descartes, ami de son père, qu'il fait ses études scientifiques. Il est le premier à avoir observé un satellite de Saturne (Titan), puis la rotation de Saturne et ses anneaux. Il publie les règles du choc élastique. Il était membre de l'Académie des Sciences de Paris et de la Société royale de Londres. En ce qui nous concerne, il invente l'horloge à pendule et le ressort spiral des montres.

A-t-il poursuivi les travaux de Galilée ou mené les siens en parallèle ? Il n'empêche qu'en 1657, il charge l'horloger Salomon Coster de construire une horloge à poids et à pendule qui portera vite le nom de pendule.

L'horloge à pendule pesant telle qu'elle apparaît dans le livre de Huygens Horologium oscillatorium.

On peut noter sur cette gravure que l'échappement est encore à roue de rencontre ce qui oblige à des amplitudes d'oscillation du pendule importantes et qui est néfaste à l'isochronie du mouvement.

Les deux lames sont destinées à corriger les variations de la période des oscillations du pendule dont la période est ajustée par.un poids-curseur, mobile le long de la tige.

Il faudra attendre 1671 et l'horloger William Clément pour voir apparaître" l'ancre à recul " sur une idée de Robert Hooke.

Elle permettra une oscillation du pendule d'un angle de 4 à 5° au lieu de 40° dans l'horloge de Huygens et de bien réaliser l'isochronisme.


18 ans plus tard, en 1675, Huygens invente la première montre à ressort-spiral, exécutée par Isaac Thuret, un des meilleurs horlogers de Paris. L'organe régulateur était un balancier (à ne pas confondre avec celui des horloges), petit volant métallique accouplé à un fin ressort d'acier enroulé en forme de spirale agissant sur lui comme la pesanteur sur un pendule.

Croquis sommaire réalisé par Huygens et représentant le mouvement à ressort spiral


Dessin réalisé par Huygens dans le Journal des Savants le 25 février 1675.



Réalisation par Thuret du mouvement tel qu'il avait été imaginé par Huygens.


Dans les années et les siècles qui suivirent, les horlogers et inventeurs s'attachèrent à améliorer les mouvements créés ou autres, que ce soient les échappements, les sonneries, les systèmes de remontage, la qualité des matériaux, la résistance aux variations de température... Mais on sort là des limites de cette étude et, qui plus est, de celles de mes compétences. Je vous renvoie donc au quid pour une chronologie complète des horloges et montres.

LE QUARTZ, OSCILLATEUR MODERNE

En 1880, Pierre et Jacques Curie découvrent l'effet piézo-électrique : quand on soumet certains types de cristaux (dont le quartz) à une contrainte, il apparaît à leur surface des charges électriques.

Il suffit donc de mettre un cristal de quartz dans un boîtier, de lui taper dessus (sur le quartz, pas sur le boîtier) et de récupérer les charges électriques pour que le tour soit joué.... Zut, je me suis trompé !! On est en train de construire un briquet ou un allume-gaz, mais pas une montre. On vient de mettre en application l'effet piézo-électrique direct.

Il faut attendre G. Lippman pour mettre en évidence l'effet piézo-électrique inverse : les cristaux se déforment lorsqu'on les soumet à un champ électrique. Si cette "excitation" du quartz est permanente, il va vibrer à une fréquence très stable qui lui est propre et qui va dépendre de sa taille (dans les deux sens du terme). Il suffit de compter les vibrations pour les transformer en unité de temps voulue (seconde par exemple). Le résonateur à quartz est né.


Pour les montres, la fréquence est un général de 32 768 Hz. Un circuit intégré va diviser cette fréquence par 2 15 fois de suite et nous obtenons notre seconde.

Quant à la précision d'un tel oscillateur, elle est de 1/1000 de seconde en 24 heures. C'est quand même nettement mieux que notre foliot du début, non ?

Les premières horloges à quartz virent le jour en 1929-1930 et leur taille n'avait rien à envier aux premières horloges de clochers. La première montre à quartz à aiguilles est apparue en 1967 et la montre numérique est née en 1971.



Si vous cherchez le quartz dans votre montre, vous n'allez pas trouver quelque chose qui ressemble à l'image de gauche mais quelque chose qui ressemble à l'image de droite. Il ne vous reste plus qu'à ouvrir le boîtier pour trouver la lamelle de quartz.

Après, je ne vous garantie pas un très très bon fonctionnement de la montre...

 

LES HORLOGES ATOMIQUES

Avec les horloges atomiques, nous allons passer à une précision extrême qui est de l'ordre d'une seconde tous les 3 000 ans environ.

Bien entendu, ces horloges n'ont pas pour vocation de terminer chez nous sur la cheminée. Elles servent à des mesures très précises dont l'une est de donner le TAI (Temps Atomique International) que nous avons évoqué dans notre étude sur les échelles du temps.

Nous n'allons pas entrer dans le détail de leur fonctionnement. Sachons simplement que, cette fois, c'est l'atome qui va servir d'oscillateur puisque sa fréquence (ou, plus précisément, son changement d'état) est encore plus précise que celle du quartz. Il en existe d'autres, mais l'atome de Césium (Cs pour les intimes) semble se prêter de bonne grâce à son rôle d'oscillateur.

 

 

EN GUISE DE CONCLUSION

Vous souvenez-vous de l'image de la tempérance telle que la représentait Ambroglio Lorenzetti en 1338 ?


Au XV ème siècle, elle est représentée ainsi dans un manuscrit conservé à la Sächsische Landesbibliothek de Dresde.


Comment, à l'époque des horloges atomiques, devrait-elle être représentée ?