PRODUIRE DU VIN SANS
ANHYDRIDE SULFUREUX (SO2)
POURQUOI ? COMMENT ?
Produire du vin biologique sans SO2, c’est
possible.
Louis Julian nous raconte ici ses premiers tâtonnements et sa méthode.
Selon la loi du 4 août 1889, reprise
par l'article 1 du règlement
d'administration publique
du 19 août 1921,
(textes insérés dans l'article 1 du Code du vin) le vin se définit légalement comme
"le produit exclusif de la fermentation du raisin frais
ou du jus de raisin frais".
La connaissance du vin et les notions d'hygiène n'étaient
pas en 1921 celles de 2002.
Aussi la loi du 4 août 1921 article 4 du Code du vin a permis un certain nombre de manipulations
pour "conserver" le vin, dont l'emploi
de l’anhydride sulfureux
(SO2). Les vignerons bio n'ont-ils
pas la responsabilité d'ouvrir
la voie en vinification comme ils l'ont
fait en viticulture vers la production
d'un vin réellement naturel ?
Le SO2 (ou
E220) n'est pas un produit anodin, c'est un allergisant puissant et
bon nombre
de consommateurs de vins sulfités l'éprouvent
(même si un autre produit, comme l'histamine,
peut être mis en cause dans certaines allergies au vin blanc).
Certains disent que le soufre
est un constituant
indispensable chez les végétaux et
les animaux,
donc qu'il n'est pas mauvais dans le vin, soit…
mais le SO2 n'est
pas du soufre, pas plus
que le H2S, pas plus que le
CO2 n'est du carbone ou l'H2O de l'oxygène.
Que ceux qui prétendent cela mettent du soufre pur au lieu de SO2 dans leur vin !
J'ai très souvent constaté que pour le consommateur de vin
bio il allait de soi que celui-ci
était
un produit naturel sans additifs - la surprise risque
d'être grande lorsque
le législateur,
en toute logique, obligera à noter sur l'étiquette tous les ingrédients rajoutés au vin (colles, sucres, conservateur…).
On dit aussi souvent
que les Romains utilisaient
le SO2.
Ils avaient
sans doute découvert
son effet antiseptique de
façon générale,
mais son utilisation pour
la conservation
du vin est plus incertaine.
Les nombreuses recettes de vin
aromatisé, résiné
ou avec des degrés alcooliques élevés
attestent
que c'est plutôt
cela qui était utilisé pour
Le
et que pour fournir les légions il fallait
produire sur place. Et puis faire référence
au passé n'est pas toujours
un
bon exemple (se souvenir des vernis
ou
du plomb sur la poterie romaine).
J'ai fait faire
des tests de cristallisation sensible sur un vin
sans SO2 et sur le même
vin auquel j'ai ajouté un peu
de SO2. Les premiers résultats
montrent des perturbations au bout d'un certain temps
dans l'image du vin sulfité.
Prétendre que l'on ne peut
pas faire du vin sans SO2 est faux, de nombreux vignerons bio ou non le font avec
succès.
Ma méthode
Je ne
Voici la mienne :
de 1987 à 1997, sans l'appui d'un œnologue, j'ai élaboré du vin sans
SO2 tout simplement en ramassant
les raisins à la main, quand je pensais qu'ils
étaient mûrs
(au densimètre). La mise
en cuve de 250 hl se faisait
à l'aide
d'un conquet-réception (vis sans fin et pompe
à ogive) sans égrappage
ni foulage. J'ai produit et
vendu pendant cette
période environ 11 000 hl. C'était un vin rustique naturel avec ses amateurs et ses détracteurs
- bien conscient que
je n'évoluerais pas rapidement
sur le plan de la qualité
gustative tout seul, j'ai (hasard ?)
rencontré un œnologue qui a bien voulu m'accompagner dans ma démarche de vin naturel
- j'avais beaucoup à faire : encépagement, palissage, hygiène
extérieure de la cave, matériel,
etc.
Au bout de cinq ans il y a eu du changement - tout n'est pas simple
- l'hygiène de la cave et du matériel doit être parfaite pendant les vendanges (à la main),
les seaux sont lavés midi et soir, les bennes à chaque voyage, les pompes
et tuyaux après chaque usage sans attendre... J'inerte les cuves avant remplissage avec le CO2 d'une bouteille pour
la première cuve et d'une
cuve à l'autre ensuite.
En cas
d'année à pourriture,
j'abaisse le pH des premiers jus qui entrent dans la cuve (environ
à l'aide
d'un peu d'acide tartrique (issu des sous-produits de la vigne) afin de contrarier les bactéries et j'ajoute
des levures sélectionnées
non OGM pour créer une
dynamique levurienne dès le départ en
fermentation
(cela évite les mauvaises
surprises). Les acidités volatiles
après fermentation malolactique varient de 0,08 à 0,25, ensuite,
en été,
elles évoluent parfois jusqu'à 0,60 au
maximum et en moyenne à 0,40 à cause de
recommandent
de rajouter du SO2 tout au long de la conservation du
vin pour empêcher que l’acidité
volatile du vin
n’arrive
au seuil de
proche du vinaigre. Mon
premier souci, c’est
la présence de levures
de type Bretanomyces qui peuvent
donner des goûts
peu agréables et des poussées de volatiles. Ces
levures sont habituellement contrôlées
par le SO2. En général, mes vins
sont plus oxydatifs (goût rappelant le vin vieux,
ou ayant une odeur de pomme
ou de cidre ou, à l’extrême
le vin de rancio)
que les autres mais cela gêne
plus les œnologues, journalistes
spécialisés et jurys
de concours que les consommateurs.
L'œnologie évolue tous les jours. Il n'est pas exclu
de trouver des méthodes
permettant d'éliminer
ces points noirs exposés
ici et d'offrir un vin particulièrement plaisant et authentiquement naturel.
Louis Julian, vigneron bio,
30720 Ribaute-les-Tavernes,
tél./fax : 04.66.83.06.54.